Dernière soirée – Fiche.

Bloody Nose, Empty Pockets. Bill et Turner Ross, Etats Unis, 2018, 98 minutes.

Contexte.

A Las Vegas, à l’écart des grands casinos, la dernière soirée d’existence d’un bar de quartier où les habitués aiment se retrouver, prendre un verre, discuter. Pour cette soirée d’adieu, ils vont faire la fête, boire – beaucoup – chanter, danser, s’embrasser, se disputer -un peu – et rechercher, chacun, un moyen de tourner la page.

Enjeu.

Il ne s’agit pas de revenir sur le passé, d’avoir un regard sur l’histoire du bar ou de ses clients, encore moins de faire un bilan. Mais dans cette célébration, c’est le temps qui passe, le temps qui a passé, qui sous-tend toutes les interactions entre ces habitués. Que vont-ils devenir sans ce lieu de rassemblement ? Trouveront-ils un nouveau bar tout aussi accueillant ? L’incertitude de l’avenir ouvre la voie à la nostalgie. A la fin de la nuit, ils ont du mal à se quitter et à rentrer chez eux. A supposer qu’ils aient un chez-eux où ils se sentent aussi bien qu’ici.

Personnages.

Les habitués, ceux qui sont les véritables piliers du bar, sont plutôt âgés, à l’image de Michael, l’ancien acteur, qui ouvre le film endormi sur le comptoir et qui figurera dans la dernière séquence où il lui faudra bien, comme tous les autres, quitter le bar. Michael est celui dont on a le plus d’information sur sa vie, même s’il est bien difficile d’en retracer toutes les péripéties. Mais le film, s’efforce de nous le rendre proche, donc plutôt sympathique, en particulier dans le gros plan où il se répand en larmes. Les autres ont aussi droit à des plans intimes. Au terme du film, aucun ne sera resté anonyme, un simple consommateur.

Les femmes sont toutes plus dynamiques les unes que les autres, à l’image de la patronne qui mène sont affaire d’une main de maître, notamment pour éviter que les petites disputes ne dégénèrent en véritable bataille.

Et puis, il y a à côté du bar, une petite ruelle à laquelle on accède par une porte dérobée. C’est le terrain de « jeu » du fils de la patronne et de ses deux copains. S’il ne s’éloigne pas trop pour répondre aux exigences de sa mère, il profite de l’ambiance de fête et de l’excitation générale pour enfreindre quelques interdits, boissons et joints. En dehors de la liberté dont elle est l’occasion pour eux, ils ne s’intéressent pas vraiment) la fête, éloignés qu’ils sont du monde des « vieux ».

Evaluation.

Ce film est d’un dynamisme inouï. Pas une seconde de répit, même dans les moments où la caméra s’attarde – un peu – sur un personnage dans une respiration plus intime mais d’une émotion toujours très intense. La télé d’ailleurs, reste toujours allumée, même si les moments où on la regarde sont rares. Les cinéastes font preuve ici d’une grande habileté dans le filmage tant ils sont attentifs à saisir tout ce qui fait l’ambiance particulière de cette soirée. Bien plus qu’une succession de portraits individuels, ils nous proposent un véritable tableau de groupe, pénétrant au cœur de leur communauté.

Mais, à la réflexion, il ne peut s’agir d’une captation sur le vif, genre cinéma direct. Le montage apparait en fin de compte essentiel, ce que soulignent les sortes de jingles et les faux titres qui ponctuent le flux temporel de la soirée. Que le tournage soit entièrement dirigé ou pas, peu importe, ce qui compte c’est le résultat ; un film parfaitement maîtrisé dans son propos et qui fonctionne entièrement à l’affect. Le spectateur passe donc une soirée tout aussi intense en émotion que les personnages du bar. Ce qui n’est pas une mince performance.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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