Mère et fille

Jane par Charlotte. Charlotte Gainsbourg, 2021, 90 minutes.

Charlotte Gainsbourg filme Jane Birkin. Une fille filme sa mère. Deux chanteuses; deux actrices. Deux carrières dont le film ne nous dira pas grand-chose. Il est plutôt centré sur l’intimité, la vie de Jane surtout, puisque c’est elle qui est dans la position de l’interviewée. Charlotte elle en cinéaste dirige l’entretien, écoute plus qu’elle ne questionne. Mais il y a surtout une grande connivence entre elles. Au point qu’il soit possible que le projet du film soit autant celui de Jane que de Charlotte.

Charlotte filme Jane vieillissante. Elle a fait disparaître les rides superflues, mais sans abuser de la chirurgie. De toute façon elle a gardé ce « délicieux » accent anglais qui a tant fait pour sa renommée. Elle évoque les épisodes de sa vie un peu dans le désordre, au fil de la discussion, sans plan apparent. Les hommes de sa vie. Ses enfants. Son insomnie chronique. La maladie, mais pas la mort. Sa mémoire ne faiblit pas. Le film est ouvertement tourné vers le passé. Ce qui ne va pas sans une effusion de nostalgie. Surtout lors de la visite de la maison de Serge, un véritable musée.

Charlotte cinéaste semble particulièrement attirée par les images. Elle a souvent une caméra avec elle et surtout elle n’arrête pas de prendre des photos de Jane. Celle-ci pose avec un plaisir évident. Le film propose un travail sur les images souvent très réussi. On ne compte pas les flous (se veulent-ils artistiques ?) et les effets de lumières et de couleurs. Les visages des deux femmes se faisant face mais vus de profil atteignent ainsi une grande beauté plastique. Ne sommes-nous pas dans ce monde du spectacle où l’apparence est reine ?

Pourtant la star Jane Birkin est ici présentée en toute simplicité, dans sa vie quotidienne, qui se déroule le plus paisiblement du monde. Le film nous présente bien quelques extraits de concerts (vus des coulisses au moment de l’entrée en scène), mais c’est plutôt pour nous faire ressentir le trac inévitable. Par ailleurs les archives familiales (peu nombreuses en fait), nous montrent surtout Charlotte petite avec son père, et Jane dans son rôle de mère. Rien de tonitruant, rien de tape à l’œil. La tonalité du film reste de bout en bout du côté de la sérénité. Comme la voix de Jane qui a tendance par moment de devenir un simple murmure.

Après la disparition de Jane (non prévue bien sûr lors du tournage) on ne peut éviter de voir ce film comme un bilan de vie. Avec le portrait qu’Agnès Varda avait consacré il y a quelques années à Jane (Jane B par Agnès V) on a là un magnifique diptyque qui forme le « tombeau » (au sens de Chris Marker) d’une artiste éternelle.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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