Afrique 50. René Vautier, 1950, 17 minutes.
Premier film anticolonialiste français, l’existence même d’Afrique 50 tient du miracle. D’abord parce que Vautier dû ruser avec l’interdiction, en vertu d’un décret de 1934 signé par Laval, de filmer en Afrique sans autorisation et sans surveillance. Le film ne pouvait être que clandestin. Après le tournage, il fallait rapatrier les bobines en France, ce qui ne put se faire que par des voies détournées avec l’aide d’étudiants africains. Les 50 bobines tournées arrivèrent à bon port, mais furent immédiatement saisies par la police. Le cinéaste ne pourra en sauver que 17. Enfin, une fois monté et sonorisé, le film dû essuyer les foudres de la censure. Il fut totalement interdit et son auteur condamné à un an de prison. Malgré tout, il fut pendant des années largement diffusé dans des projections militantes sans avoir jamais reçu de visa officiel.
Le film commence pourtant comme un banal récit de voyage. Le cinéaste découvre un village du Niger, sur le bord du fleuve. Après avoir tissé des liens avec la population et en particulier les enfants, il entreprend de découvrir leur vie quotidienne. Le pillage du mil par les femmes, la pèche par les hommes. Les jeux des enfants, attirent ainsi son attention. S’ils tirent la langue à la caméra, c’est pour lui souhaiter la bienvenue, c’est pour dire leur acceptation d’être filmés. C’est quasiment un signe de connivence.
Mais très vite, le ton change. Les enfants ne sont pas scolarisés et il n’y a pas de médecin dans le village. « Le pittoresque cache mal une grande misère » annonce le commentaire. La suite sera un réquisitoire implacable. Contre l’exploitation de la main d’œuvre peu payée, le travail des femmes et des enfants ; contre aussi les destructions de villages pour cause d’impôts non payés et des meurtres commis par « des balles françaises ». La voix du jeune cinéaste peine à cacher l’indignation et la colère. Pourtant le film s’achève sur une lueur d’espoir : des manifestations et des mouvements s’organisent, partout en Afrique, pour revendiquer l’indépendance
