Au cimetière de la pellicule. Thierno Souleymane Diallo, France, 2023, 90 minutes.
Les films sont des réalités périssables. Et le cinéma dans son ensemble peut très bien disparaitre un jour.
Un cinéaste africain part à la recherche du premier film réalisé par un africain francophone en 1953. Le titre de ce film mythique : Mouramani. Son réalisateur, un certain Mamadou Touré.Qui a vu ce film ? Son souvenir est-il encore bien vivace parmi les passionnés de cinéma guinéens ? Peut-on retrouver des restes de la pellicule ?

Le film de Thierno Souleymane Diallo est donc une longue quête à travers des villages et des villes de cette Afrique pauvre où les salles de cinéma ont disparu, dans des paysages désertiques souvent splendides, parmi cette multitude d’enfants curieux et toujours prêts à jouer les rôles qu’on peut leur donner. Diallo marche beaucoup, pieds nus. Il rencontre quelques personnages qui pourraient l’aider dans sa quête. Certains ont entendu parler du film. Mais personne ne l’a vu. Pourtant tout le monde est d’accord. Ce film a bel et bien existé. On sait qu’il durait 27 minutes (c’est précis) et qu’il raconte – c’est une fiction – l’histoire d’une relation entre un homme et un chien. Il y a pourtant des incertitudes quant à son contenu puisque dans certaines versions il serait question d’un roi. Mais peu importe. Diallo est prêt à suivre toutes des pistes, à prendre en compte le moindre indice. A partir à l’autre bout du monde s’il le faut.

Son enquête le mènera en France, au royaume des archives cinématographiques à Bois d’Arcy. Hélas, cela sera tout aussi infructueux que toutes les pérégrinations africaines qui ont précédé. Il ne reste qu’une solution pour Diallo, c’est de tourner lui-même le film. D’où une dernière séquence à la limité de la caricature mais qui peut aussi être perçue comme un hommage au cinéma. Le film est un produit – un être- vivant, qui a une durée de vie limitée. Ses origines africaines sont à jamais perdues. Mais le vrai problème est celui de son existence actuelle. Au cimetière de la pellicule tire le signal d’alarme. Si l’expérience collective du spectacle en salle disparaît au profit des petits écrans portables, n’est-ce pas l’âme même du cinéma qui sera à jamais perdue ? En Afrique, n’est-il pas déjà trop tard ?

