Sorcières sportives

Les Sorcières de l’orient. Julien Faraut, 2020, 100 minutes.

Sorcières, ce n’est pas très gentil comme petit nom Les sorcières, on les a longtemps brulées, purement et simplement. Au Japon, pourtant, il y a des sorcières qui sont devenues des idoles, l’honneur de tout un peuple.

Ces sorcières de l’orient, ce sont les joueuses de l’équipe de volley-ball du japon qui triomphèrent aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 après avoir conquis le titre de champion du monde deux ans auparavant, chaque fois au détriment de l’URSS. De quoi acquérir un statut quasi divin ; En tous cas au-delà des simples forces humaines.

Le film que leur consacre Julien Faraut – une épopée triomphale- est construit autour de trois données fondamentales qui constituent autant de phases distinctes de la narration.

1 L’usine.

Ces sorcières ne sont pas des sportives comme les autres, car ce qont d’abord des ouvrières. Elles sont membres de l’équipe d’une entreprise qui va rapidement s’imposer au Japon. Leur particularité ? Elles travaillent le matin avec les autres ouvrières, dans les mêmes conditions qu’elles, et elles s’entrainent l’après-midi. Voient-elles dans le sport, et dans la réussite sportive, un moyen d’échapper à la condition ouvrière et de s’élever dans la hiérarchie sociale ? Le film de ne tire pas vraiment ce fil. Les joueuses sont présentées comme mues essentiellement par la passion sportive dans laquelle il s’agit d’être la meilleure et donc de toujours se dépasser soi-même. D’ailleurs il semble qu’après leur épopée olympique elles aient toutes retrouver leur poste de travail à l’usine. Le film nous présente certaines d’entre elles, quelques quarante ans après leurs exploits. Une réunion d’amitié, de souvenirs. Apparemment elles n’ont pas retiré d’avantages matériels du sport. L’une d’elle est présentée plus particulièrement se consacrant à l’entrainement et à l’éducation de la jeune génération. Une leçon de modestie sur laquelle bien des sportifs d’aujourd’hui feraient bien de réfléchir.

2 L’entrainement.

Une bonne partie du film est consacrée à la constitution de l’équipe et à l’entrainement des joueuses. Un entrainement de plus en plus dur à mesure que l’enjeu se précise. Et il n’est jamais question de se relâcher, malgré la fatigue, malgré la douleur. Il n’est surtout pas question d’abandonner. Il faut aller jusqu’au bout. Repérer cent fois, mille fois, les mêmes gestes (le service par exemple) pour qu’ils deviennent quasi automatiques. Une véritable ascèse, mais qui est acceptée avec stoïcisme. Chacune se met entièrement au service de l’équipe, et l’équipe au service du pays. Et ça paye. L’entraineur a beau être un tyran, il est adoré. Puisqu’il a le secret de la réussite, toutes lui font une confiance aveugle. Et la récompense, c’est la médaille d’or, le sentiment d’être les meilleurs, ce qui vaut bien tous les sacrifices du monde.

3 La finale.

Celle des Jeux Olympique de Tokyo bien sûr. Devant leur public, les Sorcières entrent sur le terrain avec la certitude de la victoire. Et le film ne peut pas laisser planer le moindre doute. Le résultat de toute façon est connu. Pourtant la construction de la séquence finale du film fonctionne quand même au suspens, séquence qui rappelle la finale de Rolland Garros qui clôt le précèdent film de Julien Faraut, L’Empire de la perfection. D’ailleurs il est tout aussi question ici de perfection. De simples ouvrières auront finalement placé le féminin au sommet de l’humanité.

Les Sorcières de l’orient n’est pas un film japonais, mais traitant du Japon il se devait d’inclure quelque chose de ce pays dans sa facture. D’où le recours systématique, surtout dans la séquence finale, d’images d’animation, d’extraits de ces films dénommés « animés » qui ont envahi les écrans de télévision du Japon puis du monde entier. Grâce à quoi, ces sorcières sont bien devenues immortelles.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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