Fin

This is the end (la fin de tout). Vincent Dieutre, 2022, 108 minutes.

C’est la fin ! La fin de quoi ? La fin de tout, nous dit la version française du titre du film. La fin de tout, mais encore ?

La fin du monde peut-être. Mais le film de Dieutre n’a aucune dimension messianique. Il ne cherche d’ailleurs pas à nous alerter sur une éventuelle catastrophe, même s’il cite à plusieurs reprises l’éventualité du « Big one », ce tremblement de terre terrible qui pourrait bien détruire la Californie dans sa totalité, ou du moins San Francisco au premier chef et pourquoi pas Los Angeles.

La fin d’une époque plus sûrement. Celle des hippies, du peace and love, de la douceur de vivre californienne et de la créativité débordante. L’Amérique n’est plus un rêve et l’ouest n’est plus à conquérir.

Alors, une fin définitive ? Qui n’annonce aucune possibilité de suite, ou de renaissance. Une fin à laquelle il n’y a pas de réveil, encore moins de résurrection.

Pourtant, le film ne comporte aucune image d’apocalypse. On y voit plutôt un ouest américain plutôt convenu. Celui de l’automobile omniprésente, des longues avenues interminables, de l’agitation qui ne s’arrête pas la nuit. Les longs travelings montrant ce qui borde la chaussée devraient nous faire voyager. Et pourtant ce filmage très répétitif donne une forte impression d’immobilité. On ne sort pas de cette voiture fantôme, dont on ne découvre ni chauffeur, ni passager et que rien nous permet d’identifier. Et tous ces véhicules qui défilent devant la caméra, qu’ils soient en stationnement ou en circulation, ne nous font pas vraiment sortir de nous-même, ni de l’égo du cinéaste.

Le projet de Dieutre – filmer sa première découverte d’une ville, Los Angeles en l’occurrence – n’est pas vraiment nouveau. C’était déjà celui mis en œuvre dans Despuès de la revolution, à propos de Buenos Aires. Il y a d’ailleurs bien des points communs entre les deux films, les retrouvailles avec un ancien amant en particulier. Il y a toujours la même voix off, celle de Dieutre, qui égrène les sensations suscitées par cette ville que l’on parcourt uniquement par l’énumération de ses quartiers bien connus, de Santa Monica à Venice, de Malibu à Hollywood. Hollywood bien sûr qu’aucun cinéaste ne pourrait ignorer. Mais Dieutre n’est pas de ceux qui ne profiterait pour nous parler de cinéma, même si l’on sent bien qu’il brule de proclamer haut et fort son indépendance. Dieutre n’est ni historien, ni critique. Le cinéma qu’il fait ne doit rien à personne.

Evoquer à propos de This is the end, Despuès de la revolution est au fond trompeur. L’argentine ne peut séduire de la même façon que la Californie. Le film sur L A comporte une dimension littéraire originale. Dans un théâtre quelque peu marginal ; des hommes et des femmes lisent des textes, devant un public invisible. Leurs propres poèmes peut-être, ou ceux d’auteurs plus ou moins connus (le générique mentionne Ginsberg en première position, et Jim Morrison évidemment).  Des séquences qui rompent la monotonie des parcours en voiture.

This is the end (la fin de tout), ce titre est trompeur. Certes le film a bien une fin, mais certainement pas le cinéma de Dieutre. Et encore moins le cinéma dans son ensemble. Dieutre n’est pas venu à Los Angeles pour annoncer la mort du cinéma.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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