Ricardo et la peinture. Barbet Schroeder, Suisse-France, 2023, 106 minutes.
Ricardo Cavallo -peintre d’origine Argentine résidant en France – avait déjà été filmé dans l’exercice de son art. Dans Ricardo Cavallo ou le rêve de l’épervier (2013) Isabelle Rèbre le suivait sur la côte bretonne, escaladant les rochers près de la mer, descendant les falaises avec son matériel de peinture sur le dos, et jouant du pinceau sur des plaques de bois qu’il assemblait ensuite en grand nombre pour former des tableaux monumentaux. Barbet Schroeder reprend en quelque sorte ce filmage là où sa devancière l’avait arrêté. Dans cette grotte envahie par l’eau en marée haute, où le peintre reprend sans cesse ses carrés de bois pour arriver à la perfection des couleurs et de la lumière. Le cinéaste, lui, plaçant sa caméra au fond de la grotte, nous offre un contre-jour comme peu de cinéastes osent en réaliser. Mais qu’elle est belle, cette ombre du peintre au travail se détachant sur le ciel marin.

Ricardo et Barbet sont amis depuis de longues années. Aussi le film va évoquer par petites touches la vie du peintre, depuis son arrivée en France. Il s’est d’abord installé dans la banlieue parisienne, vivant dans une chambre de bonne, dormant sur le plancher et mangeant du riz, une nourriture à laquelle il ne renoncera jamais. Il revient avec le cinéaste dans ce premier atelier, retrouvant le galeriste qui, le premier, s’était intéressé à son travail. De grandes toiles qui envahissent tout l’espace habitable et qui demandent efforts et ingéniosité pour pourvoir leur faire descendre par l’escalier les sept étages de l’immeuble.
Les deux amis (et l’équipe du film) font la cuisine et partagent leur repas, un peu plus que du riz pour Barnet. L’essentiel de leur conversation porte alors sur la peinture, celle que Ricardo exécute, et celle qu’il aime. Le film prend alors la forme d’un voyage dans cet art, depuis la grotte Chauvet et l’antiquité grecque et romaine, jusqu’aux impressionnistes et Monet en passant par Vélasquez. Pour chaque tableau évoqué, Ricardo évoque son admiration et son émerveillement. Et Barbet le filme plein écran pour que nous puissions aussi l’admirer. Une passion commune particulièrement communicative.
Ricardo ferait sans doute un excellent enseignant. Mais lorsqu’il parle des tableaux que le film nous montre, ce n’est pas l’érudition qui domine. Au fond, il ne s’agit pas de faire de l’histoire de l’art. L’essentiel est bien plutôt de réaliser une sorte de musée (que le cinéma ne laisse pas au niveau de l’imaginaire) qui accompagne le peintre dans la réalisation de ses propres toiles.
La pédagogie n’est cependant pas absente de la vie de Ricardo. Il a en effet ouvert une « école » dans son village où il initie les enfants à l’art plastique, dessin et peinture. Une pédagogie basée sur l’activité, la liberté et la créativité, comme on aimerait en rencontrer plus souvent dans les établissements scolaires.

Ricardo et la peinture est un film basé sur l’amitié. Et ce n’est donc pas un hasard si le cinéaste y apparait lui-même en compagnie du peintre. Schroeder nous montre alors le film en train de se faire, la caméra et celle qui réalise les images et la perche et le preneur de son. Une équipe restreinte à laquelle le peintre appartient de plein droit. Une amitié fondée sur l’amour commun de la peinture.
