Retour à Raqqa. Albert Solé et Raul Cuevas, Espagne, 2022, 77 minutes.
Comment revenir à la vie normale après avoir été, pendant de longs mois, l’otage de terroristes. Qu’il s’agisse de Daech ou d’un autre groupe, peu importe au fond, la privation de liberté est la même, et surtout cette captivité est marquée par l’incertitude sur l’avenir. Les otages sont toujours l’objet de négociations, de marchandages plutôt. Ils sont une monnaie d’échange et leur libération concerne plus les États que les familles et les proches. il lui faudra à nouveau prendre des risques et mettre sa vie en danger.

Retour à Raqqa suit le cas de Marc Marginedas, journaliste espagnol enlevé à Raqqa en 2014. Une fois libéré – mais le chemin est long – il reviendra à Raqqa, dont l’État Islamique a été chassé, pour essayer de dépasser le traumatisme ; non pas oublier son vécu d’otage, mais conquérir la force de repartir dans la vie et dans son activité professionnelle dans laquelle il lui faudra à nouveau prendre bien des risques.
Une grande partie du film et consacré au récit que fait Marc Marginedas de sa détention, sa relation avec les autres prisonniers. Ils sont 19 journalistes venant de différents pays, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne les États-Unis. Ces derniers sont bien sûr beaucoup plus menacés, considérés comme les ennemis par excellence de Daech. Se crée-t-il une solidarité entre eux ou, lorsque les conditions de survie sont particulièrement dures, par manque de nourriture par exemple, peuvent-ils échapper aux réflexes du chacun pour soi ? Les tortures qu’ils subissent ne sont pas que physiques. Leurs bourreaux s’évertuant à multiplier toutes sortes de supplices.

Marc Marginedas décrit donc avec précision le comportement de ces gardiens, des occidentaux ayant rejoint Daech pour faire le djihad, des comportements imprévisibles qui semblent ne répondre à aucune logique, sauf peut-être de faire la guerre pour la guerre et de se comporter en combattant tout-puissant.

Marginedas sera le premier otage à être libéré, mais le film continue à évoquer le déroulement de cette prise d’otages qui devient un événement mondial, suivi par tous les médias. C’est en effet dans cette situation que Daech va monter cette mise en scène macabre en filmant et en diffusant sur internet, donc dans le monde entier, l’exécution par décapitation ou égorgement des otages américains. On ne peut ici que renvoyer à l’étude de Jean-Louis Comolli, Daech le cinéma et la mort (Verdier 2016) où il analyse avec beaucoup de rigueur et de retenue cette utilisation au service d’une religion des moyens que le cinéma occidental a porté depuis plus d’un siècle à sa perfection.

Le film d’Albert Solé et Raul Cuevas débute et s’achève sur des images de grands espaces enneigés. Marc Marginedas est parti en Russie pour enquêter sur les liens entre le pouvoir de Poutine et la Syrie. Souffre-t-il du syndrome de post-traumatisme. Le film n’emprunte pas cette voie. Marginedas a repris son travail de journaliste, essayant de ne pas oublier, mais s’efforçant de vivre avec son expérience d’otage qui donne tout son sens à la vie d’après.
FIPADOC 2024 Biarritz.
