Congo-océan, un chemin de fer et de sang. Catherine Bernstein, 2023, 66 minutes.
Ce film est une dénonciation sans appel du colonialisme français en Afrique. La construction d’une ligne de chemin de fer reliant Brazzaville à la côte atlantique. Une entreprise pharaonique, une hécatombe humaine.
Il faut de la main-d’œuvre, beaucoup de main-d’œuvre. On la trouve sur place et lorsqu’elle est insuffisante, on va plus loin, jusqu’au Tchad. Et on recrute de force. Petit à petit cependant, les Africains sont avertis. Partir sur le chantier du chemin de fer, c’est aller à la mort. Alors ils essaient de se cacher. Ils fuient dans la brousse. Mais malheur à ceux qui se font prendre.
Le film de Catherine Bernstein suit minutieusement les étapes de l’évolution du chantier. Côté français, la direction du projet, les difficultés financières, le dispositif administratif mis en œuvre, mais aussi les hésitations ou la marche en avant coûte que coûte. Côté africain, les morts, plus de 20000 sans doute, les souffrances du travail, ces hommes qui ne sont pas loin d’être considérés comme des bêtes. Le colonialisme n’est jamais remis en cause. Même par ses intellectuels, Gide par exemple qui, lors d’un voyage au Congo va s’alarmer des conditions réservées aux africains, ce qu’il dénonce avec force dans la presse française. Les autorités seront alors forcées d’humaniser un peu les conditions de travail, en particulier en introduisant le machinisme qui soulage l’homme des travaux les plus durs. Mais il faut achever coûte que coûte le chantier, c’est une question d’honneur national.
Le film de Catherine Bernstein repose sur l’utilisation d’archives, en noir et blanc et muette, des archives de l’époque. Des choix toujours pertinents. Le commentaire riche et précis contextualise tout et nous donne toujours les informations dont nous pouvons avoir besoin. Mais la dimension émotive n’est pas négligée. Catherine Bernstein a retrouvé en Afrique des descendants de ceux qui ont construit la ligne Congo-océan. Deux hommes et une femme exposant les souvenirs laissés par leur père. Et puis le film propose aussi des vues actuelles des rails dans la forêt. Une ligne à l’abandon, envahie par les herbes. Cette ligne devait permettre l’acheminement des richesses minières en particulier exploitées au Congo. Cela n’a jamais été le cas. Tant de souffrances, tant de morts, pour rien !
FIPADOC 2024 Biarritz
