Père – fils, les yeux dans les yeux.

Les yeux ouverts. Joffroy Faure, 2023, 82 minutes.

Un film sur la relation père-fils, une relation qui prend ici un sens particulier dans la mesure où le père est atteint de la maladie d’Alzheimer.

Une relation donc entre un père qui perd la mémoire et un fils cinéaste. Un fils qui va trouver dans le cinéma, dans la réalisation d’un film, le moyen d’entrer en contact avec son père malade. Une opportunité de revivifier la relation père-fils.

Geoffroy demande à son père de se mettre torse nu. Le plan où il se filmera torse nu également, en contact avec son père, rappellera le film de Stéphane Mercurio, Quelque chose des hommes. Une référence, une citation.

Le reste du film est particulièrement original. Geoffroy réalise à la fois les images et le son. Un travail de précision effectué avec le plus grand soin. Les cadrages en particulier sont toujours saisissants, toujours minutieusement ciselés, fuyant la banalité. Par exemple les gros plans qui nous sont offerts, sur les yeux du père ou ses mains. Des cadres qui ne sont jamais simples à réaliser tant le risque d’intrusion violente dans l’intimité d’une personne est grand. Ici nulle violence, les yeux du père sont filmés avec douceur, avec patience, comme d’ailleurs tout le reste du film. Un film lent, au sens où il sait prendre le temps d’entrer à l’écoute du père, de sa maladie, mais aussi de son amour pour le fils, pour son fils.

Le film ne refuse pas une certaine recherche esthétique, bien au contraire. Grâce à l’alternance très subtile entre le noir et blanc et la couleur. C’est le noir et blanc qui débute le film. Dans une voiture le paysage extérieur est filmé à travers le pare-brise embué. Puis la séquence suivante nous présente des images d’archives familiales, père, mère, enfants du temps de la jeunesse, en couleur, à la plage, en vacances. L’alternance du noir et blanc et de la couleur jalonnera toute la suite du film, répondant à un choix personnel du cinéaste que le spectateur ne peut percevoir que comme allant de soi. Comme les gros plans, comme les contre-plongées souvent plutôt légères d’ailleurs qui donnent au père une présence qui comble le silence et les hésitations de sa parole.

Rarement un fils aura filmé son père avec cet attachement qui, pour être évident, n’en est pas moins mystérieux. Un mystère qui est au fond celui de tout amour véritable.

Etats généraux du film documentaire, Lussas, 2023.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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