Terre d’Espagne. Joris Ivens. France, 1937, 51 minutes.
Ce film est accompagné d’un commentaire écrit et dit par Ernest Hemingway. C’est une ode à la République espagnole menacée par les troupes fascistes aidées par l’Allemagne nazie. Il est tout entier tourné du côté républicain, sur le front, au cœur de l’armée, dans les villages et dans Madrid bombardée.
Les premiers plans nous montrent une terre aride, quasiment désertique, où l’eau manque terriblement. Pourtant, de l’eau on peut en trouver. D’où les projets d’irrigation qui sont mis en œuvre près de Madrid pour augmenter les récoltes et assurer le ravitaillement de la population. Le film en montrera toutes les étapes, depuis le premier coup de pioche jusqu’au moment où l’eau se met à couler dans les canaux récemment construits. Terre d’Espagne n’est pas seulement un film sur la guerre. Il est aussi un regard porté sur un pays dont le sort devrait concerner tous les démocrates, tous les amoureux de la liberté. Et une rencontre avec un peuple, un peuple en lutte et qui souffre.
Pour toute la première partie, l’accompagnement sonore privilégie des sardanes catalanes classiques. Par la suite, à partie du moment où ce sont les images de guerre qui deviennent dominantes, on entendra quasiment en continu des obus qui explosent ou des rafales de mitrailleuses. On retrouve ici cette volonté d’Ivens de placer sa caméra au cœur même des combats, comme il le fera plus tard au Vietnam dans 17° Parallèle. De la guerre, ce qui nous est montré, ce sont les destructions, le feu et le sang, les blessés et les morts. Mais c’est aussi la ferveur des hommes, des combattants comme des paysans qui travaillent à l’irrigation. La caméra d’Ivens est nettement engagée aux côtés des combattants qu’elle filme. Comme le commentaire d’Hemingway. Un commentaire sobre, sans effet littéraire.
En 1937, au moment où le film est réalisé, la seconde guerre mondiale n’est pas tout à fait imminente. Mais le film n’hésite pas à insister sur l’intervention de l’aviation allemande, sans laquelle la victoire républicaine, dit le commentaire, serait déjà acquise. Le film ne fait pas de pronostics sur l’issue du conflit. La guerre risque fort d’être encore longue. Avec ses pertes humaines et ses souffrances chez les civils. Même s’il peut lui trouver une justification dans la défense d’une juste cause, le film n’en fait pas la glorification. Bien des gros plans de visages soldats et de paysans disent clairement leur aspiration à la paix.
