L’école est finie. Julie Chauvin, 2022, 58 minutes.
Ils sont entrés dans l’Education Nationale par vocation, ou du moins par conviction. P Professeur d’école, un métier qu’ils ont adoré, le plus beau des métiers. Un métier auquel ils étaient prêts à se dévouer corps et âme. Un métier qui donner du sens à leur vie. Un métier qui était toute leur vie, au point de la dévorer, au point de les empêcher de continuer à vivre.
Le film de Julie Chauvin fait le portrait de quelques-uns de ses enseignants du primaire, des femmes surtout, entre burn out, dépression et même jusqu’au suicide. Des enseignants qui ont vécu la lente détérioration de l’Education Nationale et qui en sont venus à quitter leur métier, ne pouvant plus le supporter, brisés par une administration sourde à leurs problèmes, une administration avec ses réformes inapplicables. Des enseignants réduits à n’être plus qu’un pion charger d’appliquer des directives venues d’en haut sans tenir compte des réalités du terrain.
Centré sur les personnes, le film est en même temps le procès du système. A écouter les récits de leur carrière, on comprend ce que veut dire le slogan « la casse de l’école » On voit de l’Intérieur ce qui, pour tant d’enseignants, fut plus qu’une désillusion, une véritable déchirure.
Pourquoi donc des carrières qui avaient démarré sous les meilleurs hospices – la réalisation d’un rêve – se sont-elles à ce point dégradées. La charge de travail avait sans doute été largement sous-estimé. Très vite c’est la vie de famille qui disparaît et les vacances ne suffisent plus à compenser la fatigue accumulée. Mais surtout, c’est le sentiment que la mission dont ces enseignants se sentaient investis (« sauver tous les enfants ») qui apparaît de plus en plus irréalisable. Les conditions sociales deviennent de plus en plus difficiles à gérer, et pas seulement dans des banlieues dites difficiles. Bref le professeur se voit confronté à des problèmes de toutes sortes, de l’enfant battu à qui sont victimes de sévices sexuels. Si enseigner reste le cœur du métier, de nouvelles tâches apparaissent, être éducateur ou même assistante sociale. Des tâches qui prennent de plus en plus de place, de plus en plus de temps et d’énergie. « l’intimité » avec les enfants, vécue au départ comme positive, devient vite une charge insupportable. Le comble apparait alors dans la loi sur l’inclusion scolaire. Si le principe (scolariser tous les enfants de la même façon, même ceux porteurs de handicap lourds) n’est pas remis en cause, le manque de moyens et les cas extrêmes d’enfants ingérables finissent par créer des situations intenables. La souffrance au travail n’est pas un mythe.
Le film devient peu à peu de plus en plus sombre. Les plans de coupe montrant alors des salles de classe vides, envahies par le désordre, papiers sur le sol au milieu de chaises renversées, des crayons et autres feutres jonchant le sol. Si le parti pris de réalisation de la cinéaste est de ne pas montrer les enfants, surtout pas dans les situations de classe, on en vient à penser qu’aller à l’école doit être un cauchemar pour beaucoup, et pas seulement pour les enseignants.
Pourtant le générique de fin offre un dernier espoir. Les enfants enfin apparaissent à l’écran, avec leur cartable lors d’une rentrée, le matin. Et sagement assis à sa place, le dernier plan du film montre un élève qui lève la main pour demander la parole.
