1 comment êtes-vous devenu cinéaste ? Une vocation ? quelle est votre Formation ?
J’ai grandi dans les Pyrénées, relativement éloigné du monde du cinéma voire du cinéma tout court. J’ai toujours beaucoup dessiner et j’ai compris assez jeune que je souhaiterai poursuivre des études artistiques. C’est après avoir étudié à l’école Duperré à Paris que j’ai entendu parler du concours de la Fémis en décor. Le décor de cinéma, ça m’avait toujours attiré. J’y voyais une sorte de mélange
entre le dessin, le bricolage avec une dimension un peu magique. Un truc d’enfant mais aussi de saltimbanque. Donc je suis « entré » dans le cinéma par là. C’est en réalisant mon film de première année dans cette école (à l’époque tout le monde réalisait son propre film et passait à tous les postes sur les films des autres, dès l’entrée en 1ère année ce qui était très démocratique et fondateur), je me suis rendu compte que mon envie se situait plutôt du coté de la réalisation au sens large. Donc j’ai tourné des films avec mes amis de l’école en
Ariège les étés, avec les moyens du bord et des comédiens non professionnels de mon village. Donc c’est un cheminement plutôt qu’une vocation. Ce qui n’empêche pas ma détermination et mon envie à ce jour d’être extrêmement solide et construite.
2 quelle est la genèse de votre film Des hommes désintéressés ? D’où vient l’idée première ? Comment l’avez-vous développée ?
À la base ce film est apparu dans un contexte qui est celui de ma thèse de recherche création à la Fémis (thèse SACRe / PSL) qui s’intitule « Le territoire enquêté, fait divers et cinéma documentaire ». Le film est pensé et produit comme le volet « pratique » de ce travail. En définitive il a son existence propre et la même importance que mes autres films.

3 comment s’est effectuée la production ?
J’ai été accompagné par Juliette Desseauve, jeune productrice qui venait de co-fonder sa société Itsi Bitsi Films. Concrètement les fonds qui ont permis de produire le film sont ceux de ma thèse. Le cinéma documentaire, pour en avoir fait deux, est quand même très compliqué à produire dans la mesure où on est supposés aller chercher de l’argent en expliquant un projet dont on se sait soi-
même pas grand chose. Quand j’ai commencé à faire le film, je n’avais aucune idée de sa forme finale, de ce que j’allais collecter, je dirai même de ce que le film raconte dans ses profondeurs. Ici, on avait aucun compte à rendre, ni vraiment de patte blanche à montrer à des financiers et des partenaires, un cadre que je n’avais jamais eu et que je n’aurai probablement plus jamais. Après, cette liberté là, on doit l’assumer en fabriquant un film de manière artisanale, solitaire
et, n’ayons pas peur des mots, fauchée.
4 le tournage a-t-il présenté des difficultés particulières ?
Au niveau technique étant donné que j’étais moi même le chef opérateur du film, pour la première fois de ma vie, j’ai beaucoup tâtonné. J’ai raté des choses. Mais je voulais un film en plans fixes très composés. Le documentaire journal de bord au caméscope qui tremble je pense que ce n’est pas mon truc du tout finalement. En tant que cinéaste. Parce qu’en tant que spectateur je n’ai pas de
principes particuliers.

5 qu’en est-il de la diffusion ? Vos passages dans des festivals ? Sera-t-il distribué en salle ?
Le film à fait sa première France au FIFIB où il a été vraiment bien reçu par le public et les professionnels. J’espère que je vais continuer à le montrer ailleurs. C’est un film qui agite beaucoup les esprits, c’est donc très intéressant de l’accompagner. Honnêtement j’ai eu des retours tellement contradictoires et surprenants, c’est vraiment passionnant. Pour ce qui est d’une éventuelle sortie salle c’est ce que ma productrice et moi souhaiterions. Je pense qu’il y a un réel appétit pour des formes inspirées par le true crime depuis toujours mais particulièrement en ce moment. Or le film c’est une sorte de true crime à ma façon, ré-inventé, proche des protagonistes.
6 Vous débutez dans le documentaire, est-ce du choix ? N’êtes-vous pas tenté par la fiction ? Comment voyez-vous les relations entre fiction et documentaire ?
J’ai réalisé 5 courts métrages de fiction. A vrai dire je viens plutôt de là. Je me sens d’ailleurs un peu novice dans le champ documentaire et j’ai parfois l’impression de ne pas tout à fait posséder les codes et le bagage culturel d’autres cinéastes ou spécialistes. Mais je travaille. Sinon, je vois l’avenir fait de films documentaires et de films de fiction. Puis aussi de choses qui ont un pied dans les deux.
7 Quelles sont vos références cinématographiques ? Vos films et cinéastes préférés ? Vos influences ?
Pour Des hommes désintéressés, vous m’en avez vous même parlé, La Terre de la folie de Luc Moullet est un film très important. C’est un reportage de fait divers ré-inventé par un cinéaste complètement décalé. Il utilise le fait divers pour sonder un territoire qui est le sien, ce que je tente de faire moi-aussi. Il y avait aussi Roubaix commissariat central, affaires courantes de Mosco Boucault
qui est un film génial, avec notamment une séquence d’aveux filmés en interrogatoire éblouissante. J’étais très habité par l’idée que ce film devait portraiturer l’Ariège mais aussi sur la France. Parfois le tournage était tellement intense et lunaire que je pensais à Herzog aussi, le ton de ses films complètement décomplexé me plait beaucoup.
8 Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Quels sont vos projets à plus long terme ?
Je suis entré dans une phase de production de mon premier long métrage de fiction, Le Royaume des aveugles après un long travail d’écriture. J’espère tourner au printemps, et je commence à y croire. C’est un film qui raconte le retour d’une femme dans son village d’origine dans un contexte de disparition. Le documentaire Des hommes désintéressés est arrivé au milieu de l’écriture et
il a beaucoup nourri le scénario.
