Dahomey. Mati Diop, France-Sénégal-Bénin, 2024, 67 minutes.
Le retour de 26 « trésors royaux » pillé pendant la colonisation, sur leurs terres d’origine, le Bénin, ex Dahomey. 26 œuvres parmi des milliers qui furent l’objet d’un tel pillage. Un processus qui ne pourra que se poursuivre. Mais comment ?
Le film de Mati Diop suit le voyage de ces statues de bois et d’acier depuis Paris, au musée du quai Branly Jacques Chirac. Les œuvres sont manipulées avec le plus grand soin, emballées et expédiées. Revenue chez elle, la statue d’un roi retrouve la parole sur fond d’écran noir. Nous l’entendons évoquant son histoire d’une voix grave, profonde, émouvante par la lenteur de son élocution. A qui appartient vraiment cette voix. Le mystère peut-il être percé ?
L’arrivée à Cotonou donne lieu à des manifestations de liesse populaire, le long du trajet qui mène les œuvres au palais présidentiel de Patrice Talon, très présent dans la négociation avec la France. La cérémonie officielle, discours, banquet, est haute en couleurs. Tout le monde se réjouit, mais le consensus n’est-il pas de pure façade ?
Le retour de ces œuvres en Afrique pose bien des problèmes et la suite du film nous montre les débats souvent assez vifs qui se déroulent dans le cadre de l’université. Les étudiants sont en première ligne pour questionner les restes de la colonisation. La culture, en Afrique, est-elle vraiment aujourd’hui libre et indépendante ?
Qui va voir ces œuvres aujourd’hui au Bénin ? les enfants vivant dans les villages de brousse seront-ils invités ? Pour eux le musée, cette invention occidentale, n’existe pas. Les œuvres ne risquent-elles pas de perdre à jamais leur dimension sacrée ? Leur restitution peut-elle servir à développer la culture ? Et puis bien sûr il reste tant d’œuvres en France qui devraient aussi revenir dans leur pays. Tout le monde est-il prêt à les accueillir ?

Dans le filmage de ce long débat, la cinéaste s’arrête sur les visages, les regards, les coiffures. Un monde jeune, vibrant, passionné. On s’écoute, on argumente, on applaudit à tout rompre. Il y a visiblement un grand plaisir pour ces jeunes filles et garçons à s’exprimer, développer leurs arguments, s’inscrire dans l’histoire.
Un film riche d’enseignements historiques sur la colonisation et son après, sur l’indépendance. Peut-elle être aussi culturelle.
Ours d’or Berlinale, 2024.
