Mannequins

Model. Frederick Wiseman, Etats Unis, 1980, 129 minutes.

Le New York de la mode, des agences de mannequins, de la publicité, de la photographie et des spots de publicité. Et à travers tout ça, le travail des photographes, des cinéastes, des agents, et des mannequins, hommes et femmes qui offrent leur corps à ces faiseurs d’image, qui se plient à leur désir dans cette recherche de la beauté, de la mise en valeur de la beauté. Un monde de l’apparence, de l’illusion, du factice. Mais un monde de travail, rigoureux, exigent. S’il le faut, on fera des dizaines et des dizaines de prises. Pour arriver au meilleur résultat possible. A la perfection.

New York donc, filmée sans surprise, les buildings, les monuments connus, le World Trade Center, le Guggenheim museum… Mais filmée avec insistance. La « ville verticale » de Céline, dans une multitude de contre-plongées qui n’arrivent pas jusqu’au ciel. Mais aussi les avenues avec sa circulation toujours intense. Les camions filmés à un carrefour défilant de gauche à droite ou de droite à gauche. Ou bien, la caméra étant presque au milieu de la chaussée, les voiture qui se dirigent droit sur nous. Il y a même des plans où les véhicules passent devant la caméra masquant un temps la vitrine de magasin qui était filmée. Et les trottoirs avec ses passants anonymes, des vieilles dames chics aux jeunes hommes décontractés. Et même ceux qui travaillent, qui poussent des porteurs de vêtements emballés dans du plastique. Si les cadres différents se multiplient systématiquement, il y a quand même des constantes, les reflets dans les vitrines en particulier, qui montrent à la fois l’intérieur de la boutique, avec les robes ou manteaux exposés et la rue et son agitation.

Rarement dans ses films, Wiseman aura filmé autant une ville. On a l’impression qu’il y a dans Model autant de plans de New York que de plans concernant les modèles du titre. Et pourtant c’est bien une exploration, systématique, de leur monde que le cinéaste opère. Mais ce monde fait partie intégrante de la ville.

De façon successive, Wiseman nous plonge tout à tour dans des agences de mannequins, puis dans la prise de vue de photos publicitaires et enfin dans la réalisation de spots destinés à la télévision ou au cinéma. Et tout le long du film, le cinéaste multiplie les séance de maquillage, des yeux surtout. Façon de se centrer sur les visages, surtout féminins.

Dans l’agence, l’accent est mis sur la démarche des mannequins qui viennent essayer de décrocher un contrat. Ils et elles présentent leurs photos à l’appréciation de l’employé dont c’est le métier. Celui-ci commente et donne quelques conseils. Il questionne essentiellement sur les caractéristiques physiques. A ce niveau, c’est la taille qui importe pour les filles. A New York, pas question de faire travailler une candidate qui mesure moins d’1m70. Un vrai entretien de recrutement. Cordial mais sans appel.

Dans la séance de pose photos, modèle et photographe sont avant tout des professionnels qui connaissent parfaitement leur métier. La photographe guide son modèle en l’encourageant. Elle mitraille sans arrêt. Nous ne sommes pourtant pas à l’ère du numérique. Mais le prix de la pellicule n’intervient pas.

En vidéo, les choses ne sont pas si simples. Chaque plan est repris et répété presque à l’infini. Un travail des plus minutieux. Nous découvrons le résultat final en même temps que le réalisateur. Un spot publicitaire pour des bas où les jambes féminines jouent le premier rôle.

Vers la fin du film, une manifestation soutenant les luttes des noirs défile devant le lieu de tournage. L’ambiance semble plutôt cool. En tout cas, cela n’altère pas la tonalité générale du film. Model se termine par une fête improvisée sur le lieu de travail où tout le monde chante et danse dans la bonne humeur.

Un grand Wiseman.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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