Cavalier seul. Yves Jeuland, 2024, 73 minutes.
Bien des cinéastes ont rêvé de filmer le filmeur. Yves Jeuland l’a fait. Après l’exercice d’adoration de Vincent Dieutre, il nous propose donc Cavalier seul. Un bien beau titre. Cinq rencontres à la maison de l’auteur de tant de portraits. Cinq rencontres étalées sur cinq ans. A la dernière Cavalier a 93 ans. On ne l’a pas vu vieillir.
Alain donne rendez-vous à Yves par message vocal. Pour la première rencontre Cavalier n’est pas chez lui. A-t-il posé un lapin ? C’est Françoise, sa compagne, qui ouvre la porte et le visiteur peut explorer l’appartement. Jeuland ne s’en prive pas. Il fouille partout, ouvre les classeurs, balade sa caméra sur les murs, dans les tiroirs. Cavalier est présent par objet interposé. Ce prologue était sans doute nécessaire pour avoir accès à l’intimité du cinéaste, lui qui a toujours été attentif aux objets.
Pour les rencontres suivantes, il est bien là. Vivant, accueillant, bavard. Il commente son univers. Chaque pièce a un petit secret. Les anecdotes fusent. Sur le bureau il y a une grosse pastèque qui finira par être atteinte par la pourriture. les photos de Catherine Deneuve et de et de Romy Schneider sur les murs évoquent les films de fiction de Cavalier. La première partie de sa carrière. Une voix qui l’abandonnera sans retour pour se consacrer au documentaire. Des portraits d’amis et des films autobiographiques parmi lesquels il cite Irène.
Les femmes ont tenu une grande place dans sa vie. Il évoque ses premiers émois érotiques d’enfant. La vue des seins d’une maman allaitant son bébé et la nudité dans la rue qui n’a rien d’une provocation. Plus rien de ce qui fait le quotidien de Cavalier n’a de secret pour nous. La chasse d’eau des WC ne fonctionne plus. Cavalier nous montre comment il se sert d’un arrosoir d’eau. Dans ces petites actions, rien n’est dérisoire. Le film de Jeuland est avant tout le film de Cavalier.
Les portraits de cinéaste sont sans doute une mode. La télé en est particulièrement friande. Basés le plus souvent sur la recherche d’archives et de documents inédits. Ici pas d’image d’enfance. Cavalier tel qu’il est aujourd’hui, tel qu’il était hier et il le saura de toute éternité.

Bien peu des films de télévision ont pu atteindre le degré de sincérité et de simplicité qui sont les 2 caractéristique de celui-ci. Cavalier est avant tout quelqu’un de modeste. Peu de célébrité oserait sans doute présenter une collection de feuilles d’arbre séchés élevée au rang d’œuvre d’art comme si cela allait de soi. Mais oui, il y a toute la magie de la nature dans ces restes qui résistent aux atteintes du temps.
Dans la dernière rencontre, Cavalier déménage. Un ami charge sa voiture des dossiers qui contiennent tout l’univers du cinéaste. On ne connaîtra pas le nouvel lieu de résidence du cinéaste, mais il figurera peut-être dans le film, le nouveau film qu’il prépare. L’’ultime sans doute, comme il le dit lui-même. Nous l’attendons avec impatience.
Festival International du Film d’Histoire. Pessac 2024
