Murs féministes

Des cris déchirent le silence. Natacha Thiéry, 2024, 55 minutes.

Les murs de Paris parlent, ou plutôt ils crient. Ils crient grâce à ces femmes, les colleuses qui, chaque jour, chaque nuit, placardent sur chaque espace libre de nos rues des slogans féministes.

C’est de ces messages militants que le film rend compte. Il ne s’agit pas pour la cinéaste de suivre les groupes de colleuses, de vivre avec elle la préparation des collages, le choix des slogans et l’activité de coller elle-même, ce qui permet de rencontrer et de discuter avec les passants. Cela a été fait dans plusieurs films déjà. Comme par exemple Riposte féministe de Marie Perennès et Simon Depardon. Ici la cinéaste se concentre sur les collages eux-mêmes, dont elle montre par des photos fixes, les contenus. Des photos souvent prise en gros plan, insistant sur le texte. Mais elle montre aussi le mur, la rue, où le collage est visible, sans oublier les restes de papier qui résultent des déchirages. Car les collages sont le plus souvent déchirés. Messages éphémères qu’il faut donc sans cesse renouveler ailleurs, sur d’autres murs. Qui déchire ? Des opposants au mouvement féministe, des hommes le plus souvent sans doute, mais on ne les voit jamais. En tout cas ils ne se laissent pas filmer, Comme coller est une activité nocturne, clandestine, décoller se montre rarement au grand jour. Pourtant, dans les rues de Paris le décollage est apparemment aussi important en nombre d’actions que les collages. Mais ceux-ci ont l’avantage d’être organisés. Actions militantes, si leur résultat est éphémère, ils n’en sont pas moins fondamentaux dans les luttes féministes.

Le film de Natacha Thierry constitue un florilège quantitativement important des collages parisiens représentatifs de ce qui doit se passer dans de nombreuses villes de France, grandes ou petites. On y retrouve les phrases les plus connues qui sont devenues les cris de ralliement, des dénonciations claires du patriarcat et dans le même mouvement ; le même souffle, du capitalisme dans son ensemble. La dénonciation donc des féminicides dont les murs font le décompte et l’inaction de l’État pour enrayer et éradiquer le phénomène. Mais aussi les revendications féministes de liberté et d’égalité, le soutien aux femmes iraniennes du mouvement femme vie liberté. Une vision du monde qui s’affirme comme une grande force politique.

La bande-son du film est très travaillée. A côté d’une musique originale on entend dans un montage sonore en arrière-plan beaucoup de choses. Des rumeurs, des slogans, des chants (l’hymne féministe bien sûr) tout ceci issu des manifestations organisées par les mouvements féministes. On entend même une sorte de débat spontané devant un collage où une femme interpelle les colleuses en dénonçant l’atteinte à la propriété privée que représente leur activité. L les colleuses écoutent, laissent s’exprimer la colère et la réprobation de leur interlocutrice ; mais ne répondent pas.

les photos que nous propose le film sont d’une grande qualité esthétique, variant les cadrages. Le montage du film les dynamise. On a bien affaire à du cinéma

Un film qui restera un témoignage des revendications féministes d’une époque.

Ces murs nous interpellent, nous ne pouvons rester indifférents.

A lire : https://dicodoc.blog/2022/11/21/crier-sur-les-murs/

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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