COLLEUSES.

Riposte féministe. Marie Perennès et Simon Depardon, 2022, 87 minutes.

Elles se battent contre le patriarcat. Elles dénoncent les violences faites aux femmes, les agressions sexuelles et sexistes dont elles sont victimes, dans la rue, dans leur travail, quotidiennement. Elles s’insurgent contre les viols et contre les féminicides qui, pour elles, ne sont pas de simples drames conjugaux ou des crimes passionnels. Elles crient leur révolte. Et les murs sont leur champ de bataille.

Elles sont jeunes et déterminées. Leur engagement est sincère, radical. Elles luttent pour les femmes, on pourrait sans doute dire pour la cause des femmes, mais ce n’est pas une expression qu’elles emploient. Elles n’ont pas besoin de références, elles ne cherchent pas à être parrainées. Elles utilisent un nouveau langage, de nouveaux slogans, de nouveaux moyens d’action. La nuit, elles collent sur les murs des feuilles blanches avec des lettres noires, des lettres qui forment des mots, puis des phrases. Les murs ne sont plus le seul support des graffs et du street art. Elles se réapproprient l’espace public. Et si elles prennent ainsi la parole, c’est parce qu’elles ont le sentiment de ne pas l’avoir toujours eu.

En France il y a environ 200 groupes de ces femmes colleuses. Les réalisateurs.trices du film ont choisi d’en suivre 10, disséminés partout en France, du nord au sud et de l’est à l’ouest. Nous les suivons ainsi la nuit où, par petits groupes de 3 ou 4, elles partent délivrer leur message. Et elles n’ont peur de rien. Même dans des ruelles étroites. Même lorsqu’une voiture de police s’arrête un instant près d’elles. Même, et surtout pas, lorsque deux ou trois hommes se permettent des réflexions, ou autres remarques désobligeantes et insultes. Mais elles ne se laissent pas impressionner. Il en faudrait plus pour les faire taire. Que leurs messages soient presque systématiquement décollés et déchirés ne les affectent pas. C’est plutôt pour elles le signe de la justesse de leur propos. Et si le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou leur compagnon augmente régulièrement, alors la liste de leurs noms, avec leur âge, s’allongera tout aussi régulièrement sur les murs.

La nuit elles collent. Le jour elles parlent. A la terrasse d’un café, dans une vaste salle où elles préparent leurs lettres, elles s’expriment sur leur engagement, explique le choix de leur méthode. Des propos souvent joyeux, parfois véhéments, mais jamais vraiment agressifs. Pour ces jeunes filles, lycéennes ou étudiantes, il s’agit de leur premier engagement, et elles s’y engagent avec la fougue de la jeunesse. Des prises de position qui se veulent communicatives. Si le film ne s’affirme pas ouvertement comme militant, il est clair qu’il offre une caisse de résonance à des idées qui ne peuvent qu’être partagées.

Lorsqu’elles ne discutent pas, elles manifestent. Comme dans beaucoup de films depuis les mouvements des Gilets Jaunes ou #MeToo, la caméra nous plonge au cœur des cortèges joyeux, colorés, bruissant de chansons et de musique. Des manifestations non violentes où pancartes et slogans rivalisent d’originalité. Décidément, les luttes féministes sont vraiment inventives pour faire parler d’elles.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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