Le peintre des peintres.

L’énigme Velázquez. Stéphane Sorlat, France, 2025, 90 minutes.

Parmi les films sur l’art, sur la peinture et les peintres en particulier, qui sortent de l’ordinaire, c’est à dire qui ne se limitent pas, ou même qui échappent totalement à la forme canonique (tableaux versus critiques et spécialistes) on peut citer en premier lieu l’étrange A quoi pense Madame Manet sur son canapé bleu de Hervé Le Roux. En dehors de ce titre plutôt surprenant, ce film présente une approche de la peinture par un biais, non seulement original, donc quelque peu stupéfiant, mais aussi particulièrement pertinent. Pour mêler l’œuvre du peintre à sa vie le film convoque ce que sa femme pouvait en appréhender, la connaître et la juger.

Au film d’Hervé Le Roux, on peut ajouter aujourd’hui cette Énigme Velázquez de Stéphane Sorlat. Un film qui lui aussi renouvelle grandement le genre des films documentaires sur la peinture, sur l’œuvre d’un peintre, qui s’attaque bien sûr, aux plus grands, aux plus célèbres, ceux dont on est sûr que le public prendra du plaisir à voir et revoir les toiles. Dans ce sens, il ne s’agit nullement dans le film de Sorlat de résoudre l’énigme de l’homme ni même du peintre Velázquez. Et c’est bien sûr bien mieux comme ça. De la vie de Diego en dehors de sa carrière à la Cour d’Espagne, nous ne serons pas grand-chose. Les différentes étapes de sa carrière sont tout juste survolées. Son enfance, sa famille, puis plus tard ses relations féminines, ses amours, tout cela reste dans l’ombre. Son œuvre, ses tableaux sont bien présents pourtant, mais on n’en reste pas au plaisir de les admirer. Il s’agit d’en montrer l’influence dans l’histoire de la peinture occidentale. Aucun tableau n’est en quelque sorte abordé pour lui-même. Ils sont tous placés dans une perspective historique. Comme si l’ombre de Velázquez planait sur toute la peinture qui lui a succédé.

Le film le Stéphane Sorlat est donc en fait un vaste panorama de la peinture allant de 17e au 20e siècle. On y rencontre bien sûr Monet, mais aussi Dali et surtout Francis Bacon et Picasso. Car, des tableaux célèbres de Velázquez ont donné lieu à des reprises, des interprétations, des mises au goût du jour, comme on voudra. Ainsi des portraits du Pape réalisés par Bacon et bien sûr les Ménines par Picasso. Les Ménines, qu’on peut considérer comme une sorte d’équivalent de la Joconde par sa subtilité et son mystère tient une grande place dans le film et c’est tout à fait justifié. C’est avec une grande simplicité et aussi beaucoup de précisions que des détails importants nous sommes révélés. Comme la présence du roi et de la reine dans un miroir. Une présence réduite à un reflet, ce qui est d’une grande audace pour l’époque.

Le film regorge d’archives pertinentes. Et souvent percutantes. Belmondo, lisant Elie Faure dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, donne le ton dès l’incipit, rien ne sera négligé. On peut regretter cependant que le passage où Michel Foucault présente son analyse des Ménines dans son livre Les Mots et les choses soit si bref.

Les vues de Séville sont magnifiques et celles du Prado donnent vraiment envie de faire ou refaire le voyage de Madrid.

Ce film clôt la trilogie du Prado, inaugurée par le Mystère Jérôme Bosch et suivi par L’Ombre de Goya, de José Luis Lopez Linares.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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