Les habitants. Maureen Fazendeiro, France, Portugal, 2025, 43 minutes.
Un groupe de Roms s’installe sur un terrain vague, en grande banlieue parisienne. Sont-ils acceptés ? Pas par tout le monde, loin de là. Une pétition demande aussitôt leur expulsion. Et pourtant. Certains vont se mobiliser pour leur venir en aide. Un remarquable exemple de solidarité.
Le film s’appuie sur les lettres qu’écrit une femme de cette petite ville en Ile-de-France à sa fille qui réside à Lisbonne. Elle raconte au jour le jour les actions qu’elle poursuit pour aider une des familles immigrées, avec deux de ses amis et peut-être d’autres encore. Un petit groupe nombreux. Mais les aides régulières sont indispensables matériellement à la famille. En même temps que les visites tissent un lien qui est une étape indispensable à l’intégration. L’autrice des lettres et Loredana, la mère de famille immigrée, deviennent amies. Une relation simple. Qui réussit à briser la glace des différences et qui devient peu à peu chaleureuses. Loredana accueille la visiteuse en l’embrassant. Les enfants montent sur ses genoux. Le mari lui sourit
Le récit (en voix off) de cette relation décrit dans le détail l’aide apportée à la famille, des légumes, des fruits, du chocolat pour les enfants. Elle prend le linge pour faire des lessives en machine et lorsque le générateur tombe en panne, elle lance une cagnotte pour le remplacer. Rien de tapageur. Le ton du récit est d’ailleurs relativement neutre, calme, comme distancié. Pas de marque d’affectivité. Celle qui écrit n’expose pas ses motivations, pas de grandes théories explicatives. L’entraide va simplement de soi. Ceux qui n’ont rien, ou pas grand-chose, ne peuvent pas être laissés dans le besoin. Le partage est spontané, naturel.
Loredana et sa famille restent dans le hors-champ. Les femmes qui leur viennent en aide aussi. Elles n’apparaissent jamais à l’image. On ne voit d’ailleurs pas non plus le campement et la cabane de bois qui a été construite. Les images sont en apparence totalement décalées du récit fait dans la bande son. Elles se contentent de montrer la région où tout cela se passe, une zone de petits pavillons de banlieue au milieu des champs et des exploitations agricoles. De longs travellings sur les serres en plastique. Et la culture des légumes ? On suit aussi les activités humaines habituelles. La tournée du facteur, le lavage des bottes de carottes et de radis, le ramassage des encombrants. On ne peut qu’imaginer la vie de la famille immigrée perdue dans ce milieu banal, mais qui doit leur rester étranger. Toutes les images jusqu’au long voyage en voiture sur les autoroutes urbaines en direction de Créteil (On n’arrivera jamais à Paris) sont là pour marquer la différence. Elles pointent irrésistiblement sur le camp absent, sur cette autre réalité qu’est l’immigration et ses difficultés. Des difficultés qui ne sont pas mentionnées dans le récit, mais qui deviennent vite assourdissantes. Car ce qui pourrait rester une belle histoire de solidarité ne peut que mal finir. L’expulsion qui guette le camp dès le printemps revenu finit par se produire. Les bulldozers détruiront la petite cabane de bois. Mais là non plus, nous n’en verrons rien. Les Roms doivent trouver un autre lieu de chute, chose pas facile. Un bidonville proche ? On reste un peu dans l’incertitude.
Un film qui semble ne pas faire de politique, même si les décisions de la préfecture et de la mairie sont questionnées. On reste au plus près de la vie quotidienne, celle de la famille immigrée et celle des femmes qui les aident comme elles peuvent. Sans éclat, presque dans l’ombre, comme un secret. Une solidarité qui n’en est que plus exemplaire. La goutte d’eau du colibri n’éteindra pas l’incendie. Mais les yaourts offerts aux enfants de Loredana aident à les faire grandir.
Cinéma du réel, Paris, 2025
Rencontre internationale du moyen métrage, Brive, 2025.
