Comment êtes-vous devenue cinéaste ?
J’ai commencé ma carrière tout bêtement en faisant un BTS de montage. Ça dure deux ans, c’était une formation très efficace. Et ensuite, j’ai travaillé à la télé, à M6, dans l’émission de cinéma qui s’appelait « Cinésix». Et donc, comme ça, j’ai pu voir les interviews des grands réalisateurs, comment se faisaient les making-of, ça m’a vraiment beaucoup intéressée. Et ensuite, je suis allée travailler à Ubik, qui était une émission culturelle sur France 5, où on faisait un petit panorama de la culture dans la semaine.
Et de monteuse, au cours de cette émission, je suis passée à réalisatrice de plateau. Et donc, c’est là où j’ai un peu expérimenté la caméra et filmé une présentatrice dans divers lieux culturels. Et de cette émission-là, je suis ensuite passée à Un soir au musée, qui était aussi une émission sur France 5 avec Laurence Piquet, où nous allions faire le tour des expositions un petit peu en France. C’était des interviews qui encadraient un documentaire.
Et à force de faire ça, on s’est dit « Mais pourquoi on ne ferait pas aussi du documentaire, pas simplement l’interview qui encadre ? » Et on s’est lancé avec Laurence Piquet, où au début, elle incarnait ses documentaires. On a fait, sur la route des peintres, la Côte d’Azur, par exemple. Et donc, on la suivait, elle allait rencontrer des gens sur les traces de Matisse par exemple, de Cocteau.
Et après, on a dit « Mais ce serait encore mieux si on pouvait faire des documentaires non incarnés, vraiment des documentaires avec des archives, des choses comme ça, d’autres intervenants. » Et c’est ce qu’on a fait. Quand je dis « on », c’est que je travaille toujours avec une autrice, parce que je trouve que le ping-pong dans l’écriture est vraiment intéressant.
Et moi, je suis plutôt quelqu’un de l’image. J’ai appris à écrire, j’ai appris à structurer un film. Mais au début, j’étais contente d’être accompagnée par quelqu’un qui a vraiment l’écriture pure.
Et donc là, on a commencé à faire une série qui s’appelle « Les duos d’artistes ». Parce que ce qui nous intéressait, c’était vraiment l’angle de deux artistes qui s’influencent l’un l’autre, qu’ils soient de la même famille, amis, couple. Peu importe, ce qui nous intéressait, c’était vraiment l’influence dans la création.
Vous travaillez surtout pour la télévision ?
Je ne travaille que pour la télévision.
Est-ce que vous pensez qu’il y a une différence entre ce que vous réalisez ou que d’autres réalisent pour la télévision, dans le cadre d’une série ou même pas forcément une série ? Entre le travail à la télévision et le travail au cinéma, pour vous, c’est la même chose ?
C’est très différent, parce que par exemple, mon compagnon est un réalisateur de fiction. Et donc, il travaille dans le cinéma, dans la série. Et c’est marrant parce qu’on a beaucoup de choses en commun. On se comprend, on s’échange les scénarios, les choses comme ça, les idées. Mais ce n’est pas du tout la même méthode de travail.
En fait, disons que le documentaire, la recherche se fait énormément avant sur le papier. C’est ça qui est vraiment difficile, de structurer le film. Alors que la fiction, une fois qu’on a un scénario, on suit ce scénario.
Et la difficulté est de trouver le bon rythme, le bon tempo, la direction d’acteur. Ça, c’est vraiment quelque chose de très important. Alors que nous, ça va être vraiment la structure d’un film qui va compter. C’est vraiment jusqu’au bout, on peut tout remettre en question. Et le film se construit plusieurs fois. Il se construit au scénario, il se construit au montage. C’est vraiment quelque chose où il faut accepter de détruire ce qu’on a voulu faire. Souvent, la première idée, elle disparaît. Et le film est complètement transformé à la fin. Mais c’est ça qui est bien aussi, c’est cette aventure-là. C’est de ne pas partir avec quelque chose de trop pré-établi, une idée fixe. Mais de se laisser porter par la réalité des choses et des rencontres qu’on va faire au cours du documentaire, du tournage.
Vous avez parlé de votre travail sur les duos. On y reviendra, bien sûr, en détail. Mais c’est essentiellement dans le domaine de l’art.
Oui.
D’où vient cette passion, on pourrait dire, pour l’art ?
Si on peut parler de passion, je ne sais pas. Oui, c’est une passion, mais c’est vrai que ça ne l’était pas du tout au départ.
Vous avez raison. Moi, j’étais plus cinéma. J’étais fascinée par l’univers du cinéma, qui est aussi un art. Mais c’est vraiment en faisant l’émission Un soir au musée, où mon amour pour l’art, qui était comme tout un chacun en fait, mais de me retrouver dans des expositions vides, parce qu’on tournait toujours quand les musées étaient fermés, avec un conservateur qui prend le temps de vous expliquer en détail des choses passionnantes, de faire des recherches sur les artistes, de rencontrer des artistes, d’aller dans des ateliers. Tout ça m’a vraiment forgée une culture, on va dire, un amour de l’histoire de l’art. Et plus on met le nez dans, plus on est complètement embringué dans cette histoire, on a envie d’en savoir plus.
Et puis surtout, quand on fait des films où les périodes se recroisent, les années 1900 à Paris, c’était très riche. Donc si je vais faire un film sur Picasso, mais après sur Modigliani, on se dit, oui, je me souviens, ils voyaient un tel dans la même auberge, et puis ils ont fait la même expo. Et donc tout se recoupe, en fait, et on reconstitue comme ça toutes les pièces du puzzle de l’histoire artistique, en France notamment. Alors, il est question beaucoup de sentiments, d’amour pour les couples, de l’amitié, par exemple entre Bacon et Freud.
Alors, comment exactement le sentiment intervient dans la création artistique ? C’est une question peut-être difficile.
C’est une question difficile qui fait souvent polémique.
Dans votre travail, comment ça apparaît ?
Pour moi, c’est primordial. C’est-à-dire que j’accède à l’art par le sentiment, parce qu’on travaille pour un grand public, comme aussi en même temps un public d’amateurs d’art, certes. Mais l’idée, c’est de se dire que ces artistes sont des hommes avant tout, des hommes et des femmes, qui ont à gérer une famille, une histoire d’amour, une histoire d’amitié, avec des sentiments très forts.
Et moi, je suis persuadée que ça influence leur art. C’est vraiment un point de vue, mais moi, c’est celui-là qui m’intéresse et que je mets toujours au cœur de mes films. Et c’est vrai que quelqu’un qui ne s’intéresse pas trop à l’art pourrait regarder mes films parce que ça raconte aussi autre chose.
Bien sûr, on va parler des tableaux, des périodes de création, mais on parle surtout de l’humain. Et j’adore mettre l’humain au cœur des films, parce que pour moi, c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans leur travail.
Oui, ça donne un côté original quand même, votre approche de l’art.
Et en même temps, votre art est extrêmement homogène. Puisque finalement, quand on voit la liste des titres, je n’ai pas vu tous les films, bien sûr. Mais il y a ce rapport qui est vraiment le lien commun entre tous vos films. Alors justement, sur Freud et Bacon, comment ça joue, leur amitié ?
Leur amitié, c’est-à-dire Francis Bacon et Lucian Freud. Moi, je connaissais surtout Bacon, je ne savais pas. J’ignorais complètement cette amitié avec Lucian Freud avant de me plonger dans le sujet. Et quand j’ai découvert ça, je me suis dit, ça va être un peu compliqué parce qu’ils ont été amis pendant 30 ans. Mais comme ils se voyaient tous les jours, ils se sont très peu écrits. Donc il n’y a pas de correspondance. Quand ils faisaient des interviews, ils ne parlaient pas ni l’un ni de l’autre. Et Freud détestait les médias. Donc il a fait très peu d’interviews. J’ai deux passages où il parle un petit peu de Francis Bacon, mais encore. Et puis comme ensuite, ils se sont disputés. Alors là, ça a été le tabou. Ni l’un ni l’autre n’a voulu parler de l’un ou l’autre. Ou alors très très mal. Et donc, c’est encore une autre histoire.
Donc on s’est dit, waouh, il y a une amitié qui est vraiment une des amitiés les plus fortes entre deux peintres, deux grands portraitistes anglais. Et on n’a pas de traces, on a quelques témoignages quand même de la famille, d’amis, qui pouvaient raconter ça, mais c’est tout. Donc la difficulté du film a vraiment été, pour cette histoire, de reconstituer au mieux cette amitié.
Et c’est pour ça qu’on a eu l’idée, avec ma co-autrice Aurélia Rouvier, de se dire, mais en fait, leur amitié, elle est dans leur toile, puisqu’ils se sont énormément peints l’un et l’autre. Et les portraits qu’ils ont faits de chacun, on s’est dit, mais voilà, c’est la porte d’entrée du documentaire. Et c’est ces portraits qui vont parler et qui vont raconter cette amitié.
Et donc, vous verrez dans le film, mais c’est vraiment ça. On a fait parler les modèles dans les portraits. Alors, il y a d’autres couples, où la femme est dévalorisée, quasiment, puisqu’on ne la voit pas, on ne la connaît pas. Alors que vous dites, pour certaines, elles ont une œuvre, une œuvre personnelle, originelle.
Alors, est-ce que c’est aussi un de vos objectifs, de faire connaître ces conjointes de peintres célèbres qui sont restés dans l’ombre et qui mériteraient d’être connues ?
Tout à fait. C’est vrai que ça a été mon combat pendant très longtemps. Je pense, il l’est toujours, mais pas exclusivement maintenant, parce que c’est vrai que c’est un petit peu devenu la mode de remettre les femmes au goût du jour, ce qui est très, très bien. Mais beaucoup de gens ont surfé aussi un peu sur ce sujet-là, on va dire. Mais il existe un nombre incroyable de femmes qui, parce qu’elles étaient artistes, se sont mises avec d’autres artistes, parce qu’elles avaient une véritable affinité et qui étaient des peintres reconnus et qui, à partir du moment où elles se sont mises avec des artistes qui sont devenus des « génies », elles ont disparu de la circulation.
Je parle de Jo Hopper, la femme d’Edouard Hopper, qui était bien plus célèbre que lui quand elle l’a rencontrée et qui s’est mise un peu derrière son mari malgré tout. Ça peut être aussi Gabriella Munter qui va revenir un petit peu sur le devant de la scène avec une grande exposition qui va avoir lieu au Musée d’Art Moderne en 2025 sur elle et c’est vraiment très heureux. Mais voilà, qui est restée dans les livres d’histoire, vous verrez, c’est une vague maîtresse de Kandinsky. L’œuvre de Gabriella Munter est fantastique. Donc voilà, mon but c’est vraiment de les remettre un petit peu en lumière.
Du coup, si on dit que votre travail et votre œuvre cinématographique, est féministe, vous acceptez-le terme ?
Ah oui, j’accepte avec plaisir.
C’est pour ça que même quand on a fait le Bacon Freud, on s’est dit, ah ben, ces deux hommes, ça change un peu. Mais on était contents aussi. Voilà, on s’est dit, il ne faut pas être non plus avec des œillères. Mais c’est vrai que j’aime beaucoup faire découvrir ces femmes parce qu’elles ont du talent. Certaines un petit peu moins. J’ai fait un Pierre et Marthe Bonnard. Marthe Bonnard, elle a un petit peu peint. Et d’ailleurs, grâce au film, il y a eu une exposition au Musée du Canet sur les œuvres de Marthe Bonnard qui étaient dans un cagibi, on va dire, toute leur vie et puis c’était leur destinée. Et là, de les voir ressortir parce que le film a commencé à faire du bruit et puis on se dit, ah tiens, elle peint, mais quoi ? Voilà, ce n’est pas fantastique, mais ce n’est pas grave.
Au moins, elle aura eu sa petite heure de gloire. Oui, et puis, c’est quand même aussi mon pointé du doigt, le fait que l’histoire de l’art a souvent été quand même masculiniste. Et c’est une manifestation du patriarcat. Ah là là. Les artistes femmes ont toujours eu besoin de combattre pour se faire accepter, même dans leur travail.
Elles n’auraient pas pu continuer et construire une œuvre si elles ne s’étaient pas battues contre, finalement, les préjugés et les interdits, quasiment. Exactement, et puis de pouvoir exposer tout simplement. Vous voyez, rentrer dans un musée pour une femme, ça n’a pas toujours été une évidence.
Mais, on a aussi des femmes comme Niki de Saint Phalle, qui pour le coup, c’est un petit peu l’inverse. Elle est plus connue en France que son mari Jean Tinguely. Enfin, maintenant, c’est en train de changer, mais Niki de Saint Phalle, bon, ben voilà, elle ne s’est pas posée de questions. Elle s’est imposée, mais il faut avoir un caractère de fer pour vraiment y arriver. Et puis, on peut pousser les portes. C’est vrai que ce n’est pas une évidence.
Il y a quand même un film qui n’est pas avec des artistes d’art plastique et qui n’est pas consacré à un couple ou un duo, le film sur Virginia Woolf. Vous pouvez nous en parler.
Alors, c’est vrai que je travaille depuis deux ans. Ça n’a rien à voir. C’est une autre collection. C’est une collection qui est parallèle à celle que je fais sur l’idée d’artiste qui s’appelle les Docs de la Grande Librairie. Et donc, c’est François Busnel qui a écrit cette collection et qui m’a proposé, puisque j’étais au tout début de la Grande Librairie en tant que monteuse et donc on se connaît bien, il m’a dit, écoute, voilà, je fais une collection de documentaires et je voudrais que tu réalises celui sur Virginia Woolf. Et depuis, j’ai fait Colette qui est passé l’été dernier. J’ai fini tout juste un Marguerite Yourcenar et j’enchaîne sur un Voltaire. Vous savez tout. Ce sont des documentaires patrimoniaux qui passent en prime time et qui ont pour but de faire découvrir les livres ou redécouvrir, redonner envie de lire les classiques.
Il y a eu aussi Flaubert, Maupassant, dans cette collection, Balzac. Et vraiment, c’est ça, c’est prendre une figure où on se dit, oui, je l’ai lue à l’école et vraiment revenir dans leur vie mais de façon un peu sous le regard de six écrivains contemporains qui sont passionnés de ces auteurs-là et qui vont donner leur point de vue mais qui vont surtout partager la passion. Ce sont des films didactiques, historiques, on prend de leur naissance jusqu’à leur mort mais la petite particularité c’est que c’est vraiment raconté par des auteurs fans de l’œuvre.
Et quand on voit qu’Amélie Nothomb est fan de Marguerite Yourcenar et que ça lui a sauvé la vie de lire un Yourcenar, peut-être qu’on va se dire, tiens, je suis curieux, je veux aller lire, qu’est-ce qu’elle a fait, voilà. C’est toujours une approche qui est quand même, disons, pas directe sur l’auteur comme, me semble-t-il, dans l’ensemble. Et c’est quelque chose qui stimule aussi, qui a une forte portée pour justement celui qui regarde.
C’est ça, voilà, vraiment l’idée est de donner envie soit d’aller voir l’étoile, soit de lire les livres. C’est une porte d’entrée, on dit voilà, on vous montre un petit échantillon de cet artiste, même si c’est complet, c’est assez… On fait beaucoup de recherches, tout est très documenté, mais c’est vraiment donner l’envie d’aller plus loin, d’aller voir l’expo qu’il va aller avec, parce que ça n’a rien à voir de filmer d’étoiles à la télé et de les voir en vrai. Pareil, de parler d’un livre, ça n’a rien à voir avec le lire, mais en tout cas c’est donner l’impulsion, comme vous dites, à un jeune public, comme un public averti, de se compter.
Parmi les peintres, comment faites-vous les choix ? Avez-vous des critères ?
Les critères, il faut qu’il y en ait un des deux qui soit un peu célèbre, c’est-à-dire que le nom dise quelque chose, même si on ne connaît pas l’œuvre, parce que France 5, c’est quand même un public large, et si on est trop au niche, comme on l’appelle, on perd tout le monde, ce qui est dommage, parce qu’il y a plein d’artistes contemporains dans l’histoire, ou qui sont en couple, et qui sont vraiment passionnants, mais ce n’est pas assez grand public, on va dire. Donc j’ai vraiment ce critère-là qui compte. Il faut que l’histoire entre eux soit forte, puisque c’est quand même ma base.
C’est-à-dire que si, par exemple, j’ai voulu faire Pissarro et son fils, ils se sont toujours bien entendus, tout a bien marché dans leur vie, il n’y a rien à raconter, et il y a un petit ressort dramatique, un petit peu quand même de cinéma qui manque. Voilà, donc ça c’est vraiment un élément important, et puis c’est vrai que j’en suis à mon 18ème duo, donc on a un peu fait le tour des grandes figures, on va dire. Donc là, il faut aller chercher des amitiés un peu plus méconnues, ou des parentés, des couples qui n’ont peut-être pas duré très longtemps, mais qui ont été très intenses.
Et lesquels aimeriez-vous dans l’avenir ? Avez-vous des peintres, des duos, des couples qui vous attirent, que vous n’avez pas encore fait, et dont vous vous dites « je le ferai un jour ».
Alors moi, je n’ai pas fait, et je regrette bien Sonia et Robert Delaunay, qui est quand même un peu une évidence. Là, c’est une histoire de droits qui nous empêche de le faire. Ce n’est pas que France 5 n’a pas voulu. Souvent les héritiers, c’est très compliqué au niveau des droits des artistes. Celui-là, par exemple le dernier, Francis Bacon Lucian Freud, il y a énormément de droits, et ça coûte une fortune. Nous, on a un petit budget, donc c’est vrai que ce sont des questions aussi qui rentrent en jeu.
Picasso, je ne peux pas faire un film sur Picasso, par exemple. Matisse, c’est compliqué aussi. Ça élimine aussi certains artistes. A la télé, on montre des œuvres, donc il y a des droits. Et puis, qu’est-ce que je voulais faire ? Je voulais aussi partir un peu, je voulais faire Patti Smith et Robert Mapplethorpe, pour changer un petit peu, pour faire un petit peu plus contemporain. En fait, ils étaient ensemble pendant les dix premières années de leur vie. Voilà, on ne savait pas. C’est une histoire qui est intéressante, aussi qui change un peu.
J’aimerais bien aller vers la photographie, aussi un petit peu plus. Donc voilà, on fait des recherches là-dessus. Mais bon, c’est sûr qu’il faut ouvrir, je pense, un petit peu la collection, ne pas rester que dans l’art plastique.
Oui, c’est très intéressant, effectivement, de parler de ces perspectives-là. Oui. Comme la photo.
La photo, oui, la sculpture, la BD, pourquoi pas. Vraiment, tout est ouvert. C’est-à-dire que maintenant qu’on a vraiment écumé un peu l’art plastique pur, on a fait des sculpteurs, on a fait des muses, par exemple, une modèle, avec Aristide Mayol et Dina Vierny, par exemple.
Je voulais vous demander vos projets, mais vous en parlez là. Vous en avez d’autres ? Vous n’êtes pas attirée par d’autres domaines en dehors de l’art ?
Écoutez, souvent, on est cataloguée et on nous propose… Quand on est dans l’art, on nous propose des trucs sur l’art et on rencontre des gens qui travaillent dans l’art. Et donc, c’est vrai que c’est un espèce de cercle comme ça. Et moi, j’y suis très bien, en plus. C’est vraiment ce que j’aime.
Il y a l’intérêt d’avoir une homogénéité.
Oui, c’est ça, dans l’œuvre.
C’est quelque chose qui ressort de ce que vous faites.
Oui, c’est vrai. J’aime bien. Je travaille beaucoup pour Beaux-Arts Magazine. Je fais des petits reportages pour leur site internet. Et puis, je travaille pour Amar film, qui est une société de films indépendants sur l’art contemporain, mais vraiment très contemporain.
C’est une collection qui s’appelle Tandem. Et c’est une rencontre entre une réalisatrice ou un réalisateur et un artiste. Et vraiment, on invente un court-métrage, on a complètement carte blanche et on fait quelque chose à deux.
C’est-à-dire que je crée avec l’artiste un film. Donc, ça a une forme un peu spéciale. Là, le dernier que j’ai fait, c’était sur Eva Jospin. Vous savez, c’est la sculptrice qui travaille à base de carton. Et vraiment, ce qui est bien, c’est que déjà, elle est vivante, parce que moi, je ne fais que des morts. Et je suis tellement contente de filmer une artiste en mouvement et au travail et de discuter avec elle de ses doutes, de la difficulté. C’est encore une femme et elle essaie de faire des œuvres monumentales et c’est un petit peu complexe. Donc, je fais ça. Et là, dans cette collection, je vais faire Anne et Patrick Poirier, qui sont deux artistes contemporains, qui vont refaire tous les vitraux du Palais de Thau, le palais qui est à côté à Reims, de la cathédrale de Reims.
Et donc on va suivre la création de A à Z de ces vitraux. Et ça, ça m’intéresse beaucoup, parce que filmer le travail du verre, du sertissage, la mise en place, ça va être quelque chose de très beau encore.
C’est donc une diversification de vos perspectives, de vos intérêts et de vos réalisations.
Exactement.
Vous parliez des évolutions. Qu’est-ce qui fait la nouveauté actuellement ?
On s’inspire beaucoup plus de la fiction. C’est-à-dire qu’on a envie d’incarner les choses. Il faut parler aux spectateurs. Donc, c’est soit, par exemple, le personnage d’un portrait, la Joconde qui se met à parler et qui raconte son histoire. C’est quelque chose qu’on n’aurait peut-être pas vu avant, on serait choqué. Moins de commentaires, beaucoup plus de témoins directs, vivants, proches des gens. Et je dirais une écriture plus libre. C’est-à-dire que maintenant, on peut déformater un peu le documentaire qui était très classique. On dit souvent qu’à la télé, il y a les cases. C’est vraiment en train de changer. Je trouve que les dirigeants ont cette intelligence-là de se dire OK, tentons des choses. Ils ont envie d’essayer des choses nouvelles et on nous pousse vraiment à ça. On nous demande de nouvelles écritures avec de l’animation, avec de la 3D, pourquoi pas. On nous demande d’être créatifs, inventifs et de ne pas raconter une histoire sur un mode classique.
Propos recueillis au FIPADOC 2025, Biarritz.

c Jean Pierre Carrier

Interview très intéressant qui apprend beaucoup de choses sur le travail d’une réalisatrice de grand talent. Elle s’y livre avec sincérité et enthousiasme. L’ensemble est très instructif.
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