Au cœur de la guerre en Ukraine

A 2000 mètres d’Andriivka. Mstyslav Chernov, Ukraine, Usa, 2025, 111 minutes.

En 2023, Mstyslav Chernov, nous avait déjà plongé dans la guerre en Ukraine. Il filmait alors le siège de Marioupol.  Vingt jours sous les bombes, parmi les habitants de la ville qui tente de fuir. 20 jours en enfer, 20 jours de guerre qui sont des siècles. (20 jours à Marioupol, https://dicodoc.blog/2024/01/29/marioupol/)

Ce film éprouvant avait alors obtenu l’Oscar du meilleur documentaire en 2024. Une reconnaissance pour un cinéaste qui fait preuve d’un courage exceptionnel, prenant des risques insensés sous les bombardements. Un cinéaste aussi qui fait preuve d’une sympathie extrême, d’une solidarité sans faille avec le peuple, son peuple martyrisé.

Le cinéma de Chernov ne cesse de poser toujours la même question. Comment filmer la guerre ?

La réponse peut sembler simple. Auprès des civils sous les bombardements, ou à côté des soldats dans les combats presque au corps-à-corps, faire partie de la guerre. Ne pas être un simple observateur extérieur, courir les mêmes risques que tous les autres et vivre malgré tout ressentir la même souffrance que les habitants de la ville assiégée et qui ne savent où se réfugier et les mêmes peines que les soldats qui voient leurs camarades tombaient à leurs côtés.

Filmer la guerre est toujours une épreuve. Et le film qui en résulte ne peut être qu’une épreuve aussi pour le spectateur. Le siège de Marioupol, la reconquête d’Andriivka ne doivent pas devenir un simple spectacle. Des images que l’on regarde avec une inévitable distanciation due à la distance des situations. Les films de Chernov, nous les regardons en étant déjà informés des faits, de la guerre dans sa généralité et dans le détail des actions. Alors le cinéma ne peut pas en rester à donner des informations, même si, bien sûr, il n’est pas anodin de montrer la mort d’un soldat ou un hôpital bombardé.

Le cinéma de guerre est un acte de combat. Une dénonciation de l’horreur de l’agression et du scandale de la mort des innocents. Et même si nous sommes surinformés, saturés presque par les images de mort, il n’est pas possible de s’habituer ni de se désintéresser. Et c’est pourquoi tant que durera la guerre en Ukraine comme à Gaza ou au Soudan, il restera indispensable de la filmer.

Avec ce second film Chernov nous plonge en rase campagne, parmi les soldats d’une brigade d’assaut lors de la contre-attaque ukrainienne sur le front, avec l’objectif de libérer le plus possible du territoire occupé par les troupes russes. Nous n’avons jamais été aussi proches de la réalité de la guerre, les coups de feu, les balles, les obus, les tirs, les survols d’avions et de drones. Et ce n’est pas de la fiction.

Si 20 jours à Marioupol reposait sur un décompte des jours, ici nous sommes dans l’espace, la distance du village à libérer. Les deux kilomètres qui deviennent comme les jours d’un siège, une éternité.

Et puis l’absurdité sinistre de la guerre n’a jamais été aussi sensible. Quand les soldats ukrainiens arrivent enfin à Andriivka, c’est pour constater que le village est entièrement détruit.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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