L’appel de l’ouest.

Western lands. Nicolas Drolc France-USA, 2024, 88 minutes.

 Nicolas Drolc est un cinéaste engagé. Tout particulièrement lorsqu’il documente les révoltes dans les prisons de l’est de la France (Sur les toits, 2014) ou dans son portrait si subtil de ce personnage si complexe qu’est Serge Livrozet (La mort se mérite, 2017). Mais aussi dans ses films musicaux, situés toujours dans les marges et ouvrant la voix à des découvertes inédites (Bungalow sessions 2019, This film should not existe 2020, La grande triple alliance internationale de l’est 2022). Et c’est bien le cas de son dernier film – dont on espère la diffusion prochaine – Western Lands, un voyage dans l’ouest des Etats Unis qui peut nous réconcilier avec cette Amérique dont la renommée culturelle est bien mise à mal par le Trumpisme triomphant.

La côte ouest des Etats Unis, depuis San Francisco jusqu’à Seattle, en passant par tant de petites villes au nom plus ou moins connu. le pays de la contre-culture, de la créativité artistique, surtout musicale, et de l’expérimentation de nouveaux modes de vie initiés par les hippies, les beatniks et autres punks. Avec toujours le rejet de l’Amérique traditionnelle, celle de ceux qui votent Trump, celle du capitalisme triomphant. Une côte que Nicolas Drolc nous fait découvrir de l’intérieur en la parcourant du sud au nord dans un road movie musical et quelque peu nostalgique, hanté par les mythiques années 70 ou 80. Une re-visitation -ou une réactualisation, d’un rêve américain, l’autre rêve – pas celui des cow boys et des Indiens – mais celui de la jeunesse, des marginaux, des musiciens et des artistes.

A l’appel d’un ami, Andy Dale Petty, Nicolas va s’embarquer pour les Etats Unis avec un vieux clavier et une caméra et ils vont se lancer à deux dans une tournée musicale, de bars en lieux de petits concerts dont le cheminement nous est présenté sur la carte de cet ouest toujours aussi séduisant, et vraiment exotique pour qui vit dans une campagne française.

Le film est donc d’abord une occasion de rencontres avec ces toujours jeunes anciens contestataires de l’ordre établi et anticonformistes dans l’âme, dans leurs prises de positions et leurs modes de vie, et qui sont restés fidèles à leurs valeurs de toujours. Une séquence du début du film énumère leurs noms. Par la suite leurs interventions ne seront pas identifiées nominalement, façon de construire un portrait collectif de cette Amérique située plutôt à gauche même si bien sûr elle refuse d’adhérer à quelque parti que ce soit.

On y croise le temps, de quelques propos toujours significatifs, des personnages comme Lloyd Kahn, architecte hippie de 87 ans, ancien rédacteur en chef de Shelter et du Whole Earth Catalog ;Art Chantry, ce graphiste, figure de proue du mouvement grunge ; V. Vale, anthropologue et éditeur du fanzine Search & Destroy ; Kelly Halliburton, activiste punk pionnier de la scène de Portland et collaborateur du groupe culte de garage punk Dead Moon ; Eric Isaacson, fondateur du label indépendant Mississippi Records ; Dave Reisch, du groupe de rock psychédélique new yorkais Holy Modal Rounders ; Bret Lunsford, historien, et musicien membre du groupe Beat Happening, pour les plus connus.

Mais le film, ici comme ailleurs, vit surtout par ses images. Et là, on ne peut que louer sa splendeur visuelle. Des couchers de soleil aux lumières des néons publicitaires de nuit comme de jour, des vagues de l’océan avec ses reflets et son écume au défilement du bitume devant la voiture, nous sommes toujours surpris, ravis, émerveillés devant tant de créativité. Sans jamais tomber dans le tourisme facile, nous sommes guidés hors des sentiers battus et nous ne voyons pas le temps passer. Nicolas Drolc fait parti de ces cinéastes qui, sans être américains, savent si bien rendre l’originalité de ces paysages et qui réussissent à rendre compte, à chaque plan, de leurs émotions personnelles et nous les faire partager.

Et puis il y a la musique. Omniprésente bien sûr. Elle s’intègre parfaitement aux images, même dans ces bars improbables où nous découvrons sur scène Andy et Nicolas. Le cinéaste nous avons jusque là caché ses talents de musiciens. Mais pas sa passion pour la musique de l’ouest américain.

L’art du cinéma c’est bien sûr de savoir nous faire partager les passions des cinéastes.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

Laisser un commentaire