B COMME BÂTARDISE

A Bastard Child, Knutte Wester, Suède, 2017, 57 minutes.

Puisqu’il s’agit d’un film réalisé à partir d’images fixes filmées au banc-titre on peut penser au plus célèbre d’entre eux, La Jetée, de Chris Marker. Sauf qu’ici il ne s’agit pas de photographies, mais de tableaux, plus exactement d’aquarelles, réalisées par le cinéaste qui est aussi un artiste  plasticien. Des images toutes de la même couleur, ou plutôt de la même teinte, un marron délavé, à la limite du gris, sans brillance. Des images ternes, sans être sombres pourtant, ou du moins sans éclat. Des images de visages surtout. Le visage d’une enfant. Que l’on voit grandir jusqu’au début de son adolescence. Des images de paysages aussi. Des étendues gelées. Le froid – et la neige, et la glace – omni présent. Des images d’hiver. En Suède.

Ces images défilent sur l’écran sans accompagnement musical, sans bruitage. La bande son est constitué par le seul récit, en voix off, de l’enfance du personnage dessiné. Une voix adulte qui parle de son enfance. Une enfance malheureuse, on ne peut plus dure. La dureté d’une vie pauvre, où il n’est pas évident de manger tous les jours. Mais surtout la dureté de la société de l’époque, en Suède dans les années 1920. L’enfant est née d’une fille-mère qui va être rejetée par sa famille, exclue, elle et son enfant. Une enfant bâtarde, qui n’aura donc pas de famille, pas de foyer familial, pas de maison pour vivre, pas d’ami, pas de parents. Une enfance d’errance dans la neige, le froid, la glace. Comme cette surface du lac sur lequel elle s’aventure et qui se brise sous son poids la précipitant dans l’eau glacée.

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A ces images fixes, sur lesquelles il n’y a que très peu de mouvements de caméra – et pratiquement aucun effet optique – s’ajoutent des images d’archive, en noir et blanc, montrant la Suède du début du XX° siècle. Une ville enneigée elle aussi, avec son agitation de véhicules. Et surtout une séquence qui devient récurrente, montrant une scène de chasse, la mise à mort d’un cerf dans un étang par une meute de chiens. Deux plans qui reviennent avec insistance au cours du film. Dans un premier plan le cerf réussit avec ses bois à écarter les chiens. Dans le second les chiens, plus nombreux encore, s’accrochent au cerf qu’ils réussissent à faire chuter dans l’eau.

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Et puis, à la fin du film, le réalisateur nous propose des images filmées en couleur cette fois, des images personnelles, d’une vielle dame dans un jardin, qui nous sera présentée comme sa grand-mère, celle-là même dont on a suivi l’enfance dans le filmage des aquarelles. De cette vielle dame qu’est devenue l’enfant, nous n’aurons pas d’autre vision dans le film. Le réalisateur, son petit-fils donc, nous apprend tout simplement, en quelques mots, qu’elle a consacré sa vie à défendre le droit des femmes dans son pays.

Un film réalisé avec une grande économie de moyen. Ce qui contribue fortement à développer sa charge émotionnelle.

Festival International du Film d’Éducation, Évreux, 2017

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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