N COMME NORD

Lumière du nord de Sergueï Loznitsa, 2008, 51 minutes.

De quel nord s’agit-il ? Le film ne le dit pas en dehors du fait que c’est un nord où on parle russe. On dira qu’il s’agit du grand nord, du vrai nord donc, du nord entièrement blanc, recouvert d’une neige glacée qui semble ne devoir jamais fondre. Un nord froid, très froid mais où le cinéaste filme les foyers rougeoyants à l’intérieur des poêles à bois. Des foyers qu’il faut alimenter encore et encore.

La vie des gens du nord, toujours chaudement vêtus, nous l’approchons par petites touches jusqu’à ce repas final en famille, le jour de Pâques, un repas traditionnel où l’on boit de la vodka et où l’on mange ces œufs décorés l’après-midi par un petit groupe de fillettes. Les deux petites filles de la maison, nous les avons vues le matin au réveil, l’une à côté de l’autre sous les épaisses couvertures, se frottant les yeux de sommeil. Nous les avons suivies dans leur rapide toilette du visage et leur coiffure avec de si beaux rubans. Au détour d’une conversation téléphonique, nous apprenons qu’elles viennent  de l’orphelinat, où elles ne retourneront pas. Peu à peu, elles finissent par appeler Maman, celle qu’au début elles qualifiaient de Tante.

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Plus avant dans le film nous assistons à quelques scènes de la vie quotidienne, des fragments de vie qui doivent se répéter tous les jours. Le bois que l’on met dans le feu du poêle, les allers et retours du camion ou du scooter des neiges, la lessive que l’on rince dans un trou aménagé dans la glace, couper du bois à la tronçonneuse ou donner du foin aux vaches. Ou bien des scénettes plus surprenantes comme ce chien qui refuse de manger dans la gamelle que lui porte son maître. Tout ceci sans le moindre commentaire, sans la moindre parole, comme si le froid les rendait inutiles. On ne parle d’ailleurs que très peu en famille. Ou bien seulement avec les enfants, ou la vodka aidant sans doute, au repas de fête le jour de Pâques.

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Le film s’est d’ailleurs ouvert sur un long pré-générique, silencieux en dehors du bruit de moteur, un trajet en voiture filmé depuis l’avant du véhicule pour montrer la route enneigé qui défile devant nous. D’où vient-il et où va-t-il ? Peu importe. Aucune parole, aucune indication n’est utile. Quelques plans se succèdent avec le même cadrage, mais qui nous font passer du jour au crépuscule et à la nuit. Nous croisons un autre véhicule et deux ou trois voitures sont arrêtées sur le côté. Celle dans laquelle est placée la caméra s’arrête. On entend le bruit d’une portière et c’est le noir. Au matin le soleil brille sur la neige.

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Ce film est disponible dans le volume 1 de la collection de DVD dirigée par Stéphane Breton, L’Usage du monde.

 

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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