M COMME MONSANTO.

Le Monde selon Monsanto, Marie-Monique Robin, 2008, 108 minutes.

    Fondée en 1901, Monsanto est d’abord une entreprise chimique avant de se lancer dans l’agroalimentaire pour devenir le numéro 1 mondial de la biotechnologie. Presque 90 % des semences transgéniques utilisées dans le monde lui appartiennent. Pour en arriver là, l’histoire de Monsanto est jalonnée de scandales en tout genre. Monsanto est sans doute la multinationale le plus critiquée, la plus décriée, qui soit. Il n’est pas possible de parler d’elle sans passion et surtout sans être engagé pour ou contre. Le film que lui consacre Marie-Monique Robin évite de se passionner en adoptant un recul par rapport aux faits.Ilse veut objectif et indique ses moyens d’investigation. Il n’en reste pas moins systématiquement situé dans l’opposition à la firme, position qui constitue même son point de départ, au risque pour la cinéaste d’apparaître partisane.

Marie-Monique Robin mène l’enquête en journaliste d’investigation qu’elle déclare être. Son outil principal ? Internet. On la voit tout au long du film devant son écran, tapant des mots clés sur Google, sélectionnant des sites, ouvrant des dossiers et des rapports, sélectionnant des déclarations, des phrases caractéristiques, des noms d’experts, de chercheurs, d’hommes politiques ayant occupé des postes de responsabilité et des militants d’associations impliquées dans la défense des victimes de Monsanto. Puis elle se rend sur le terrain, aux États-Unis surtout, mais aussi dans le monde entier, en Inde, au Brésil, au Paraguay, au Mexique. Elle y rencontre les protagonistes identifiés sur Internet, leur pose des questions dérangeantes, surtout à ceux qui ont eu des responsabilités publiques, et écoute avec une oreille bienveillante un interlocuteur qui mène la même quête qu’elle. Son but, c’est de faire toute la clarté sur les activités de Monsanto et leurs conséquences sur les hommes et sur la planète. C’est aussi d’accumuler le plus de charges possible contre l’entreprise.

L’enquête se transforme ainsi en procès. Procès à charge bien sûr. La défense n’est pas assurée par l’accusé, Monsanto ayant décliné les demandes d’entretien de la cinéaste, et si les partisans des OMG interviennent, leurs propos sont plutôt utilisés dans un sens contraire, d’autant plus que leur embarras à répondre aux questions leur ôte pas mal de crédibilité. De toute façon, le commentaire de la cinéaste de type « quel scandale » ne laisse guère au spectateur la possibilité de se forger par lui-même une opinion.

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Monsanto est successivement accusé de cacher la vérité, de la déformer et de mentir sciemment. Par exemple, un rapport secret montre que la firme connaissait les risques que le pyralène fait courir à la santé humaine bien avant que les scientifiques les révèlent. Mais il s’agissait de ne pas « perdre un dollar » ! Dans le cas du Roundup, un herbicide utilisé tout autant à une échelle industrielle que dans les petits jardins des pavillons de banlieue, la mention « biodégradable » n’a été enlevé des étiquettes du produit que sur décision de justice. Monsanto a aussi été condamnée pour publicité mensongère et le film nous présente quelques-uns de ces spots particulièrement significatifs. Enfin, et ce n’est pas le moins important, le film montre comment Monsanto n’hésite pas à financer des études qui n’ont de scientifique que le nom et surtout il souligne les interventions auprès des hommes politiques. La séquence d’archives montrant Georges Bush père, alors vice-président de Reagan, visitant une usine Monsanto est une pièce phare du film. Au représentant de la firme se plaignant de la lenteur des décisions administratives devant permettre de développer rapidement la recherche et la commercialisation des OGM, Bush répond : « Mon job, c’est la.dérégulation ». La cinéaste a aussi réussi à obtenir quelques déclarations de la part de l’ancien ministre de l’Agriculture de Clinton. Il ne cache pas les pressions dont il a fait l’objet, de la part même de ses collègues du gouvernement favorables à la biotechnologie, uniquement pour des raisons politiques.

« Monsanto, une multinationale qui vous veut du bien », dit le sous-titre du film. Les PCB, les hormones de croissance bovine, la dioxine, la liste est longue des produits dont on ne peut nier qu’ils ont eu des conséquences désastreuses sur la santé et sur l’environnement. A propos des OGM c’est surtout la pratique commerciale de la firme qui est montrée du doigt à travers sa politique des brevets mettant en difficultés financières de nombreuses exploitations aux Etats-Unis et conduisant nombre de paysans au suicide en Inde. Un monde où toute l’agriculture, tous les produits que nous consommons seraient d’origine transgénique, c’est sans doute le rêve de Monsanto. Un moyen d’assoir un pouvoir sans limite sur le monde entier qui ne peut que nous effrayer.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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