M COMME MEXIQUE – Cassandro.

Cassandro el exotico, Maris Losier, 2018, 73 minutes.

Il vole, il plane, il plonge. Il fait des pirouettes. Il s’élance dans les cordes. Il tombe sur ses partenaires ou dans la foule au bord du ring. Un vrai spectacle. Un spectacle bien rodé dont nous suivons la préparation dans les répétitions. Et toutes ces chutes, ces culbutes, s’enchainent à un rythme des plus soutenu. Le film ne se prive pas de nous offrir ce spectacle tout au long de son déroulement. Nous ne sommes pas, nous spectateurs de cinéma, dans l’ambiance surchauffée de ces salles, mais nous participons quand même à la magie de ces exploits physiques où tout semble improvisé, même si nous savons très bien qu’il s’agit d’une chorégraphie minutieusement préparée.

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Cassandro est une star – La star, plusieurs fois champion du monde – de Lucha Libre, cette sorte de catch si populaire au Mexique. Une carrière de 27 années consacrées entièrement à ce qui est sa passion – en même temps que sa profession – et à laquelle il se consacre corps et âme.

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Côté corps, la première partie du film insiste sur la puissance de ses muscles et la beauté de son visage. Nous assistons à de longues séances de maquillage. Les yeux bien sûr, mais aussi sa chevelure blonde qui est pour Cassandro la marque de son identité. Tous ses partenaires portent des masques, mais lui, il est Exotico, homosexuel sans masque.

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Puis vient le temps de l’usure, de la douleur, des marques du temps. Cassandro montre les traces de ses fractures, ses jambes raccommodées, ses mains coupées, les cicatrices sur son front. Toutes les parties de son corps ont été victimes un jour ou l’autre de blessure, et toute la fin du film le montre marchant avec des béquilles ou boitant. Il est temps d’arrêter, décision si dure à prendre mais imposée par la nécessité. Le film se termine donc sur une note plutôt triste. La fuite du temps entrainant l’éloignement de la gloire passée.

 

Côté âme, le film est bien sûr un portrait très empathique. La connivence entre le catcheur et la cinéaste est particulièrement sensible dans leurs dialogues par ordinateurs. Diminué dans son corps, il a besoin de soutien et de réconfort. Mais ses convictions restent intactes. IL a lutté aussi en dehors du ring, pour se faire accepter comme gay et pour faire reconnaître la communauté LGBT. Et il lui en a fallu du courage dans un monde particulièrement macho et homophobe. Le film est aussi un hommage à son engagement social.

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Tourné en 16 mm, le film est riche en recherche de formes non conventionnelles. Les traces de colures entre les plans, occasionnant des effets de brulures et de détérioration des couleurs, ne sont pas gommées. Les surexpositions non plus. Les éblouissements face aux spots de lumière sont nombreux. A quoi s’ajoutent des ralentis et des accélérés, en particulier dans le filmage de la lutte sur le ring. Bref Cassandro est un film qui cultive un petit côté presque artisanal – un film de famille en somme. Mais il faut reconnaître qu’il y a là un choix particulièrement judicieux et tout à fait adapté à ce portrait d’une personnalité attachante jusque dans son côté fanfaron sur le ring.

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Après la ballade consacrée à Genesis P. Orridge et à sa compagne Lady Jaye, Marie Losier s’affirme comme la cinéaste des stars décalées dont la marginalité de la vie est présentée avec une extrême sensibilité.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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