Genet à Chatila, Richard Dindo, Suisse, 1999, 94 minutes.
Lorsqu’il écrivait son livre sur Chatila, Genet écoutait le Requiem de Mozart. Tout au long du film de Dindo, nous entendrons ce même requiem, entremêlé dans la bande son avec la lecture du texte d’Un Captif amoureux.
Chatila, un des massacres les plus terrifiants de l’histoire du Moyen Orient, de toute l’histoire moderne sans doute. Un massacre perpétré à Beyrouth par les milices phalangistes, dans le camp de réfugiés palestiniens. Des femmes, des enfants, des vieillards, égorgés, assassinés au couteau ou à la hache, torturés avant de mourir. Genet entre dans le camp au lendemain du massacre. Quelques heures passées au milieu des cadavres qui jonchent les rues. Quelques heures suffisantes pour lui donner la matière d’un livre qui est un véritable cri de désespoir devant l’horreur. « Je suis peut-être un noir qui a une couleur blanche ou rose, mais un noir. »

Le film de Dindo est un périple suivi par une jeune femme, Mounia, sur les traces du séjour de Genet à Beyrouth et jusqu’en Jordanie. A Chatila, elle rencontre et interroge des survivants du massacre. Des hommes et des femmes qui décrivent cette nuit aussi claire que le jour, grâce aux fusées éclairantes des soldats israéliens en faction aux portes du camp. Une armée israélienne présente à Beyrouth dans le cadre de l’opération Paix en Galilée, une armée qui n’interviendra pas pour protéger les civiles. Les images d’archives montrent les cadavres dans les rues, les femmes qui hurlent leur désespoir à la mort de leurs enfants. Et le texte de Genet dit l’odeur de la mort omniprésente.
Le périple de Mounia se poursuit en Jordanie. Genet y était parti pour un court voyage de quelques jours. Il y est resté plusieurs mois, auprès des combattants Palestiniens. Son livre décrit leur vie, soutient leur combat. Genet se place sans hésitation du côté de la révolution palestinienne. Le film se déroule alors à Amman et sur les bords du Jourdain. Mounia rencontre un groupe de Fedayins. Avec eux, elle parcourt les collines, aux portes du désert. En ville elle rencontre des femmes. Elles évoquent leur patrie qu’elles ont dû quitter, leur espoir d’y retourner un jour. « La vie des palestiniens, dit une d’elle, c’est la misère. »

Le film de Dindo est une traduction cinématographique du livre de Genet et en même temps une prise de position politique dans le conflit israélo-palestinien conforme aux positions de l’écrivain que les images des rives du Jourdain ou des villages de Jordanie rendent particulièrement concrètes. Une séquence reconstitue une nuit passée par Genet dans une maison d’un Feddayin parti au combat. La mère lui porte un café, sans un mot, comme elle le fait toutes les nuits pour son fils. Et Genet dit dans son livre être lui-même devenu, pour une nuit, le fils de cette femme. Un film qui réalise une osmose parfaite entre littérature et cinéma.
1 commentaire