C COMME CHAUFFEUR.

D’Ici là, Matthieu Dibelius, 2018, 46 minutes.

Des journées entières au volant de son véhicule, un minibus bus équipé pour véhiculer des personnes à mobilité réduite. Tout un film en fait. Du premier plan au dernier nous n’en sortons pas. Où va-t-il ? D’où vient-il ? Peu importe. Le film n’est pas un parcours, un circuit, un trajet ou un itinéraire. C’est le conducteur qui est cadré. Presque exclusivement. Quelques-uns des passagers parfois. Des enfants. Ou des adolescents. Un adulte. Une jeune fille avec une coiffure africaine. Et puis, par la fenêtre, derrière le conducteur, nous apercevons Paris, des rues, des passants. Alors le cinéaste se permet quelques plans « urbains », rue de Rennes avec la tour Montparnasse dans la profondeur de champ, ou la Seine, ou  un bout de tour Eiffel perdue dans le brouillard.

Ce conducteur c’est Koffi. Par sa présence quasi continue à l’écran, dans des gros plans de son visage le plus souvent, on pourrait penser que le projet du film est d’en faire le portrait. Pourtant force est de constater que ce n’est pas le cas. De Koffi, nous ne saurons pas grand-chose. Rien du tout même. Nous ne rentrons ni dans son histoire personnelle, ni dans  ses sentiments ou ses émotions – qu’il n’exprime pas. Nous le côtoyons le temps d’un film –un moyen-métrage -, nous nous familiarisons avec son visage, son sourire. Nous pouvons le trouver timide, réservé, peu bavard, sympathique…ou tout autre détermination. Au spectateur de faire son choix. Et pourtant, le film ne le réduit à sa fonction de conducteur d’un véhicule dans les rues de Paris. Il suffit qu’il pose quelques questions à la passagère derrière lui ; ou qu’il échange quelques mots, avec celle qui, à côté de lui, dessine sur le parebrise du véhicule, et aussitôt il prend de l’épaisseur, non pas psychologiquement parlant, une épaisseur plutôt cinématographique ; il devient un véritable personnage de cinéma.

Mais le film est aussi un portrait de Paris, cette ville que nous situons dans un contexte bien précis grâce à la bande son principalement. Dans le véhicule la radio est allumée –rien de plus banal – et nous entendons un extrait du discours du Président de la République suite aux attentats de novembre 2015. Le ton est donné. Les images peuvent alors nous faire apercevoir un fragment du cortège d’une manifestation et s’arrêter presque Place de la République au milieu des occupants de Nuit Debout. L’intérieur du véhicule n’est pas un havre de paix qui isolerait son conducteur de la fureur du monde. En fait, de l’intérieur à l’extérieur il n’y a pas de séparation. Dehors il fait froid, le parebrise est gelé, ou bien il pleut. Mais la nuit les couleurs de la nuit restent chaudes.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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