Ana Falastine, Wadie (pseudonyme de deux réalisateurs : Mourad Fallah et Jean-Michel Petaux), 2012, 77 minutes
Les deux auteurs de ce film, regroupés sous le nom unique de Wadie, sont journalistes. Leur film peut être considéré comme un bon exemple de ce qu’une perspective journalistique peut apporter au cinéma documentaire.
«Comprendre ce qui à force parait incompréhensible ». Le projet est clair. La méthode aussi. Premièrement, se rendre sur le terrain. Trois voyages étalés sur trois ans et un séjour de six mois sur place. Se plonger donc dans la réalité, la vie sous l’occupation en Cisjordanie. Rencontrer les hommes mais aussi s’attacher à prendre en compte les symboles. En second lieu, définir le mode d’approche de cette réalité. Trois dimensions apparaissent alors, l’actualité de la situation de conflits, la réalité quotidienne, la guerre des symboles. Elles seront abordées sous trois formes journalistiques courantes et complémentaires : le portrait, le carnet de route, l’investigation.

Trois parties donc, au titre évocateur : « Je suis Témoin », « Je suis Route 60 », « Je suis Jérusalem ».
La première, « Je suis Témoin », dresse le portrait d’un journaliste palestinien, correspondant de la chaîne de télévision Al Jazira, Hassan Titi. Nous le suivons dans son travail, caméra à l’épaule, lors des opérations militaires menées par l’armée israélienne ou des manifestations de force du Hamas. Un travail particulièrement dangereux, le film évoquant d’ailleurs sans détour la mort, dans l’exercice de son métier, d’un compagnon d’Hassan. Mais ce dernier ne veut pas renoncer, malgré l’angoisse que manifeste sa femme et sa fille ainée. Son métier est une forme de résistance. Indispensable. Faire du journalisme en période de conflit ne peux pas en rester à une vision neutre des événements.

La deuxième partie, « Je suis Route 60 », essaie de se fondre dans la population palestinienne, en entreprenant de trajet le long de la route qui mène de Jénine dans le nord à Hébron, en passant par Naplouse, Ramallah, Jérusalem et Bethléem. Tout au long, des files interminables de véhicules. Le voyage prendra des heures. L’armée israélienne est omniprésente et les check points innombrables. La population palestinienne semble résignée face à cette situation. Mais le film montre clairement leur souffrance d’avoir à subir tous ces contrôles dans leur vie de tous les jours.

Enfin, « Je suis Jérusalem » se penche sur les enjeux, politiques et religieux que représente Jérusalem. Le film donne la parole à toutes les parties concernées. Mais ce ne sont pas seulement ces discours qui peuvent nous faire comprendre pourquoi la ville ‘trois fois saintes » est l’objet d’une véritable guerre des symboles tout aussi virulente que la guerre militaire. Ici les images ont tout leur poids. Leur portée va bien au-delà de leur dimension illustrative.

Travail journalistique, ce film est une pièce de plus à verser au dossier du conflit israélo-palestinien. Réalisé du côté palestinien, il en soutient normalement le point de vue dans ses deux premières parties. La troisième est plus pluraliste. L’ensemble ne peut pas laisser indifférent.