Ne m’oublie pas. David Sieveking, Allemagne, 2012, 88 minutes
À 73 ans, Gretel est frappée par la maladie d’Alzheimer. Pendant deux ans, son fils David va filmer la progression de la maladie. Surtout, il va s’occuper d’elle pour essayer de retarder cette progression. Il lui demande chaque jour : « Tu me reconnais ? Je suis ton fils. Tu es ma mère. »

Bien sûr, ce combat est perdu d’avance. David le sait, mais, à aucun moment, il ne renoncera. Cela donne à son film une tonalité toute particulière. S’il s’agit d’une manifestation des plus émouvantes d’amour filial, il nous montre aussi la difficile situation de toute une famille face à une maladie incurable. La déchéance de Gretel a quelque chose de pathétique, mais David la filme avec beaucoup de pudeur, beaucoup de retenue. Il se dégage de chaque plan une grande douceur, parce qu’il n’est pas possible de brusquer la malade. Le film respecte parfaitement le rythme de cette vie qui se ralentit peu à peu.

Film sur la maladie d’Alzheimer, Ne m’oublie pas est un film sur la mémoire. Mais c’est aussi un film sur la famille. Accompagnant la longue disparition de la mémoire de sa mère, le cinéaste retrace sa vie, convoquant chaque étape marquante, faisant resurgir les souvenirs qui s’effacent peu à peu. Le film devient ainsi biographique. Non pas seulement pour faire le portrait d’un être cher. Pas seulement non plus pour lui rendre hommage au soir de sa vie. Le récit de la vie de Gretel est rendu nécessaire par la maladie même.

Le film retient surtout son engagement politique, proche de l’extrême gauche, et ses actions en faveur des femmes, créant et animant un groupe féministe. Il évoque aussi sa vie amoureuse, une vie de couple libre où chacun a pu avoir des liaisons extraconjugales sans que cela remette en cause leur entente et leurs sentiments. David multiplie les plans de photos, souvent en noir et blanc, montrant Gretel jeune, souriante, belle et séduisante. Un modèle de femme active et libre, contrastant fortement avec ce que la maladie a fait d’elle.

Ce qui fait la force du cinéaste, c’est qu’il garde toujours une grande sérénité. À aucun moment, il ne se révolte contre le sort que la maladie réserve à sa mère. Il évite parfaitement le piège de la nostalgie. On pense simplement que Gretel a bien de la chance d’avoir un fils cinéaste, un fils qui a su faire de son film une victoire contre la maladie. Une victoire artistique.