Au-delà des mers, rêves de théâtre. Marie Maffre, 2020, 72 minutes.
Il n’est jamais facile de devenir comédien et de faire du théâtre son métier. Surtout pour les jeunes originaires d’outre-mer.
Ils viennent donc des quatre coins du monde, de la Polynésie à la Martinique, de la Nouvelle Calédonie à La réunion. Ils sont jeunes et pleins d’espoir. Ils vont avoir la chance de participer à un projet unique : l’ouverture d’une classe préparatoire dans la campagne limousine, une classe qui va les préparer aux concours d’entrée aux conservatoires ou aux écoles supérieures d’art dramatique. Un séjour d’un an où l’enjeu n’est rien moins que leur avenir.

Ils quittent donc leur pays, leur île et leu famille, certains pour la première fois. Ils vont se frotter à un autre mode de vie, loin des coutumes et des valeurs qui jusqu’à présent étaient leur repère. Ils ont tous une soif d’émancipation, de libération vis è vis des traditions. Et pour cela, le théâtre est un excellent moyen. Un gage de liberté.

Le film de Marie Maffre nous propose de suivre ce petit groupe de jeunes filles et de jeunes garçons pendant cette année exceptionnelle. Le film est ponctué par les vues de la campagne et l’évolution des saisons : une bataille de feuilles mortes et une bataille de boules de neige (la neige, ils ne connaissaient pas) jusqu’au bain de mer avec l’arrivée de l’été. Nous suivons d’abord la formation théâtrale, les exercices individuels et collectifs, le choix des textes, les répétitions de scènes. Les formateurs-enseignants sont toujours attentifs à les faire progresser et sont donc particulièrement exigeants, demandant, imposant, de reprendre une phrase, un geste, parfois jusqu’à l’épuisement. Mais on sent toujours qu’ils sont à l’écoute des difficultés, des doutes. Ils savent réellement soutenir et encourager. Il y a toujours une grande humanité dans leur regard et l’ensemble de leur travail.

Le film nous fait aussi pénétrer dans l’intimité de ce groupe de jeunes apprentis comédiens venus d’outre-mer. Et c’est là bien sûr son originalité. Car ces jeunes ont tous une identité particulière, marquée par leur origine. Et lorsqu’il leur est demandé, dans un parcours libre, de créer une situation qui leur tient à cœur, ils sauront utiliser, qui les danses traditionnelles, qui des textes sur l’esclavage, la colonisation et le racisme.

Un groupe particulièrement dynamique, où les pleurs succèdent aux rires et les rires aux pleurs. Il y a entre eux des relations chaleureuses, faites de confiance et d’entre-aide alors qu’en fait ils sont concurrents dans les concours qu’ils préparent.
Ces concours tiennent une grande place dans le film. Ne sont-ils pas le but même de leur travail ? Alors, il faut vaincre le stress, ne jamais se décourager, chercher sans cesse à s’améliorer. Au final leurs efforts sont couronnés de succès. Et le film nous fait participer à la joie de la réussite. Aucun n’aura perdu son temps. Ils sont tous devenus plus forts, professionnellement et personnellement. Si leur origine et la couleur de leur peau était au départ un handicap – ils n’étaient pas loin de le vivre comme tel – ils ont parfaitement su surmonter les obstacles. On comprend parfaitement leur fierté.
Un film qui montre la voix dans la lutte contre les discriminations.
