J COMME JOURNALISME – Formation

En Formation. Julien Meunier et Sébastien Magnier, 2020, 74 minutes.

Le journalisme, un métier qui s’apprend.

Le film de Julien Meunier et Sébastien Magnier ne nous donne pas une vision visant à l’exhaustivité de ce qu’est une école de journalisme. Il s’agit, plus simplement – quoique… – de nous montrer en quoi consiste la préparation au métier, dans ses aspects techniques, mais aussi dans les conditions de son exercice et de sa déontologie.

Nous assistons donc à quelques interventions magistrales (sur ce qu’est l’accroche d’un papier par exemple), mais surtout à des exercices pratiques, devant un micro ou une caméra, simulant un flash style France Info ou un duplex télévisé, devant un ministère ou autre lieu faisant événement. Les formateurs sont bien sûr particulièrement exigeants, faisant répéter systématiquement ces interventions, donnant nombre conseils et révélant à l’occasion quelques ficelles du métier.

Les étudiants, toujours stressés dès le début, sont souvent déstabilisés et doivent prendre sur eux en puisant dans leurs ressources secrètes pour faire face et répondre aux exigences du genre. On a très vite l’impression qu’il s’agit surtout de se conformer à des modèles imposés, reposant sur des principes immuables. Plus que les sujets traités c’est la forme de l’intervention qui compte. Car il s’agit avant tout de capter l’auditeur ou le téléspectateur, dans ces formes brèves minutées à la seconde près. A l’heure de l’info en continu, il faut être bref sans être trop rapide, précis et concret sans oublier le détail qui fait mouche. Nous sommes dans un domaine proche de la performance sportive, pour laquelle l’entrainement par répétition systématique est indispensable. Un tel journalisme ne risque-t-il pas de devenir une activité stéréotypée, formatée, où rien n’est laissé au hasard. Où la fantaisie n’a pas sa place. Et même dans une intervention improvisée, ce sont les mécanismes acquis qui dominent.

Mais l’actualité a ses événements imprévus qui viennent bousculer les habitudes et secouer des consciences qui pourraient avoir tendance à s’endormir. Au moment de la réalisation du film, c’est le cas avec les attentats qui ont ensanglanté Paris. Nous quittons alors les studios où le film était jusqu’alors cantonné pour nous retrouver dans une rue proche du lieu des événements. Les étudiants réalisent une interview d’un parisien habitant le quartier. Mais on sent qu’ils sont démunis devant la situation et donnent l’impression qu’ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire. Ils ne peuvent alors que s’interroger sur le sens de leur métier.

Le film nous propose alors une dernière séquence qui fait toute sa valeur. Réunis dans une grande salle, les journalistes en herbe expriment librement leurs réactions et leur ressenti face à la situation créée par les attentats. L’exemple évoqué est fort. Peut-on filmer, devant un hôpital, des personnes qui viennent de perdre un de leur proche, parent ou ami. Leurs larmes peuvent-elles être considérées comme de l’information ? Et comment ne pas tomber dans un voyeurisme indécent ? Dans une époque où le journalisme est souvent contesté et critiqué pour donner trop souvent l’impression d’oublier les valeurs les plus fondamentales de notre société démocratique, il est réconfortant de voir ces étudiantes et étudiants se poser ces questions et rappeler quelques principes fondamentaux de la déontologie de leur futur métier.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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