La Ronde. Blaise Perrin, France, 2019, 55 minutes.
Tojinbo est un haut lieu touristique, avec ses falaises abruptes qui dominent la mer. Pour expliquer son nom, une légende raconte que des soldats avaient jeté un des leurs dont ils voulaient se débarrasser du haut des falaises, provoquant une énorme tempête qui se s’apaisa que lorsque le nom du soldat tué fut donné au lieu. Depuis, un nombre important de ceux qui veulent mettre fin à leurs jours viennent à Tojinbo. Des vagues de suicides qui ne portent pas ombrage à la renommée touristique de Tojibo.

Le film suit un ancien policier à la retraite, Yukio Shige, qui s’est donné pour mission d’essayer de sauver des vies en proposant un soutien psychologique aux candidats au grand saut. Pour cela, il parcourt les sentiers de promenade au-dessus des falaises, repérant les désespérés et leur proposant de les accueillir dans le foyer qu’il a créé. Une entreprise individuelle, qui ne bénéficie d’aucune aide de État. Un État qui se révèle d’ailleurs totalement hors du coup, n’apportant aucune aide, notamment matérielle, à ceux qui en ont besoin.

Nous suivons donc ce bon Samaritain dans sa ronde. Filmé le plus souvent de dos, inlassable marcheur. En voix off, il explique son entreprise, commente les lieux, évoquent des cas particuliers, des histoires de suicidés, ceux à qui la vie n’a fait aucun cadeau. La caméra prend peu le temps de s’attarder sur la beauté du paysage. Les touristes croisés font simplement partie du décor.

Le film n’est pas vraiment un portrait de ce Yukio Shige. Aucun élément ne nous est donné concernant sa vie, ni ses motivations profondes. La dénonciation des carences de l’État, très présentes en creux, n’en est que plus forte. Et puis le contraste entre la beauté des falaises et les gestes de désespoir dont elles sont le cadre ne peut que nous interroger sur la société japonaise. L’indifférence des touristes renvoie à celle de la société dans son ensemble. Au Japon, ceux qui sont en échec dans la vie, notamment au niveau matériel, ne font l’objet d’aucune compassion et ne reçoivent aucune aide. En dehors d’initiatives personnelles, dont on sent bien qu’elles ne changent rien dans le fond.

Escales Documentaire, La Rochelle, 2020