Au cœur du bois. Claus Drexel, 2020, 90 minutes.
Le bois du titre, c’est le bois de Boulogne, à l’opposé exact, à tous les sens, de celui de Vincennes vu par Claire Simon. Ici aussi il y a bien de nombreux plans sur les arbres, les feuillages, le lac et ses cygnes, en toutes saisons. Mais dans la majorité du film de Claus Drexel, le ciel est plutôt sombre, chargé de gros nuages qui donneront inévitablement de la pluie et même de la neige. Il est vrai que le film est surtout tourné la nuit.

Le bois de Boulogne, la nuit, c’est le royaume de la prostitution. Une prostitution qui a beaucoup changé depuis une bonne dizaine d’années. On y rencontre encore les prostituées à l’ancienne, mais elles sont de plus en plus remplacées par les travestis et les transsexuels. Sans doute une marque de notre époque.
Au cœur du bois est donc un film sur la prostitution, fait de rencontres et d’entretiens avec celles et ceux qui s’adonnent au « plus vieux métier du monde ». Un cliché qui n’est utilisé dans le film qu’une seule fois.

La prostitution est donc vécue ici d’abord comme un métier, un moyen de gagner sa vie – la gagner plus ou moins bien d’ailleurs. Beaucoup évoquent la dimension économique. Si dans le temps le métier permettait de gagner beaucoup d’argent, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Et les modifications de la législation, en particulier la pénalisation des clients, a beaucoup changé la donne. La concurrence avec les « clubs » de toutes sortes se fait lourdement sentir.

Les entretiens nous font pénétrer dans la vie des prostitué.e.s, qui répondent toujours sincèrement aux questions, qui les anticipent même souvent. Venant d’Espagne, du Portugal d’Italie et même du Brésil et du Pérou, leur transformation, et l’exclusion qu’elle déclenche est presque toujours le motif de leur migration. Trouver un autre métier est alors chose quasi impossible, surtout avec les problèmes liés à l’acquisition du français.
Le plus souvent Drexel les filme assise face à la caméra dans un décor de sous-bois, mais aussi dans l’habitacle de leur fourgonnette transformé en lieu de travail. La parole est toujours très spontanée. Visiblement, le regard du cinéaste est plutôt du côté de la sympathie. Sans jugement surtout.

Le film n’a pas la prétention d’être une enquête sociologique. Il se contente de présenter des portraits, des extraits de vie. Des vies qui ne sont pas toujours des réussites, mais personne ne se plaint, et personne ne dit regretter le choix qui les qui l’a conduit là. D’ailleurs la fin du film, avec un arrière-plan ensoleillé printanier, rayonne d’optimisme. Si le film s’ouvrait sur un chant portugais à tonalité grave, ici s’est « Non je ne regrette rien » chantée avec le sourire.
Fipadoc 2021
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