Ziyara, Simone Bitton, France-Maroc, 2020, 99 minutes.
Un voyage, un long voyage. A travers le Maroc, tout le Maroc. Un voyage à la recherche des Juifs marocains. Ou plutôt, à la recherche des traces de la présence passée des Juifs au Maroc. Car il n’y a plus de Juifs au Maroc. Ils sont partis en France, en Israël ou aux États-Unis. Ils sont partis laissant derrière eux leur maison, les tombes de leurs ancêtres, les synagogues et leurs saints.

Le film de Simone Bitton (elle-même Juive du Maroc vivant en France) a des allures de road movie. Elle filme les routes et les chemins qu’elle emprunte entre chaque arrêt. Dans les lieux où elle découvre les marques du judaïsme, le cérémonial est toujours le même. Un gardien ou une gardienne, se présente, décline sont nom et sa fonction. Le plus souvent ils, elles, sont chargé.e.s d’entretenir, qui un cimetière, qui une synagogue, qui un mausolée et un lieu de pèlerinage. Détenteurs des clés, ils font visiter à la demande. Car il y a des touristes de passage, surtout des Juifs, qui reviennent sur des lieux qu’ils ont connus. Presque un emploi. Une source de petit revenu en tout cas. Et ils s’en acquittent consciencieusement. Tous les lieux que nous visitons dans le film sont particulièrement bien entretenus.

Ces gardiens – des lieux et de la mémoire des lieux – sont tous des musulmans. Il n’y a plus de Juifs au Maroc, ou s’il en reste, la cinéaste n’a pas cherché à les rencontrer. Ce qui l’intéresse, c’est de montrer comme la judaïté survit dans un pays musulman en l’absence même de ceux qui la rendaient vivante. Et sa démonstration est particulièrement probante.

Le film est ainsi un hommage à la tolérance et à la paix. Juifs et Musulmans ont toujours vécus en bonne entente au Maroc. Une situation que le film souligne fortement. Pourtant les Juifs ont quitté le pays. Le film ne cherche pas à expliquer cela, évoquant juste à une reprise la défaite arabe de la guerre des 6 jours. Il souligne plutôt que ce départ est une quasi-catastrophe pour le pays. Le vide créé n’a jais été comblé. Bien des Marocains rencontrés vivent réellement ce manque, en dehors de toute considération religieuse.

Les films précédents de Simone Bitton (Rachel, 2009 et Mur, 2004) étaient surtout connus pour leurs prises de positions aux côtés des Palestiniens, dénonçant l’occupation Israélienne. Ziyara est son film le plus personnel. Celui où, retrouvant ses racines, elle gagne en hauteur de vue vis-à-vis de la situation toujours fortement conflictuelle du Moyen-Orient.
Cinéma du réel, Paris, 2021