C COMME CALAIS -la jungle

L’héroïque lande. La frontière brûle. Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, 2017, 225 minutes

Calais. La jungle de Calais. La trop célèbre jungle de Calais. Tristement célèbre.

Y être plongé, pendant presque quatre heure de film. Le verbe immersion est trop faible sans doute. Y vivre. En compagnie de tous ceux qui, venus d’un pays en guerre, sont dans l’attente de passer en Angleterre. Des hommes, des femmes, des enfants – bien qu’ils soient peu présents dans le film – qui n’attendent qu’une chose, qui ne vivent que pour une chose : passer en Angleterre. Et toutes les nuits, ils essaient, inlassablement. Monter dans un camion. Monter dans un bateau. Échapper aux contrôles, aux radars et aux chiens. Espérer la pluie. S’il pleut, peut-être que les chiens auront moins de flair. Espoir le plus souvent déçu.

Le film nous permet d’écouter leurs récits. Le récit de la migration, leur voyage. Les pays traversés, depuis l’Afghanistan, la Syrie, l’Irak la Libye. La prison en Libye et la torture. Tout l’argent qu’il faut donner pour sortir de prison. Espérer gagner l’Italie, puis Calais. Nous les écoutons et nous souffrons avec eux. Nous espérons avec eux. La vie n’a jamais été aussi réduite à l’espérance.

La jungle en vie. Celle où l’on rit, ou l’on chante, où l’on danse, où les couples peuvent aussi se disputer. Mais la jungle en feu. Celle qui est détruite par les bulldozers aussi. Mais la jungle Phénix, qui renaît de ses cendres, qui renaîtra sans cesse. Le film nous dit qu’il n’y a pas de solution. Ou alors, il faudrait supprimer la guerre dans le monde.

L’héroïque lande, comme tous les grands films contemporains, est un déferlement de couleurs. Le Noir, le Rouge, le bleu.

Le Noir, c’est celui de la boue qui recouvre le sol. Et les cendres aussi. Le bois, les tentes, les cabanes. Tout l’espace calciné.   

Le Noir c’est aussi celui de l’uniforme de la police, omniprésente. Des policiers passifs, comme de simples spectateurs. Protègent-ils, surveillent-ils, intimident-ils ? L’un d’eux fume sa cigarette. En attendant que ça passe.

Le Rouge, ou peut-être plutôt le Jaune, L’Orange, c’est le feu, le feu de la destruction. Mais aussi le feu du petit poêle à bois qui permet de se  chauffer  un peu.  

Le Bleu de la mer. Comme dans la dernière séquence du film. Une séquence fantastique et tout simplement magnifique. Cet homme qui danse sur la plage. Qui court en direction de la mer. Qui court le long de la mer. Qui danse au rythme des vagues. Qui danse sans s’arrêter, sans répit. Inépuisable. Un bateau entre dans le champ. Parcourt la totalité du cadre. De droite à gauche. Et disparaît. La danse ne s’est pas interrompue.

Parmi tous les films consacrés à la jungle de Calais. L’Héroïque lande. La frontière brûle restera celui qui nous interpelle le plus directement, sans dramatisation et sans apitoiement, sur la misère du monde.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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