LES GILETS JAUNES DE CHARTRES

Un peuple. Emmanuel Gras, 2022, 114 minutes.

Un peuple en colère. Un peuple qui se soulève.

L’occupation des ronds-points. Par tous les temps et même la nuit autour d’un feu de bois. L’ouverture des péages des autoroutes. Les manifestations à Paris, sur les Champs Élysées. Les charges des forces de l’ordre. Des images que l’on a déjà vues. Les explosions des grenades, « Macron démission », ça aussi on l’a déjà entendu. Beaucoup. Alors, le film d’Emmanuel Gras peut-il être vu autrement que comme un regard rétrospectif sur le mouvement des Gilets Jaunes ?

Le film est réalisé à Chartres. Nous y rencontrons un petit groupe de femmes et d’hommes – des femmes surtout, du moins elles sont les plus en vue – engagées dans les revendications nées en novembre 2018 et que nous allons suivre jusqu’en avril 2019 à partir du mois de décembre. Un déroulé chronologique qui nous éloigne du reportage pris sur le vif, dans le feu des événements, même si le filmage nous plonge au cœur de l’action, sur le rond-point occupé et dans les manifestations parisiennes.

Les portraits qu’il nous propose de ces Gilets Jaunes – des femmes et des hommes dont on ne peut qu’admirer la détermination, le dévouement et la sincérité – s’ajoutent à ceux que la télévision et le cinéma n’ont pas manqué de réaliser et de diffuser, souvent à chaud, sur tous les écrans, petits et grands. Les Gilets Jaunes de Chartres ne sont-ils qu’un exemple parmi tant d’autres possibles ? Sans rien de particulier. Reprenant les revendications du moment, le RIC en particulier, et exprimant cette colère commune contre les élus ( le président de la République au premier chef ) et ceux qui sont qualifiés de riches.  Des Gilets Jaunes qui se disent pacifiques et qui veulent manifester pacifiquement. Mais nous ne verrons pas les manifestations de Chartres. C’est à Paris que nous assisterons aux affrontements avec les forces de l’ordre et aux attaques contre les vitrines des magasins.

Après la pandémie de coronavirus, après la guerre en Ukraine, le mouvement des Gilets Jaunes n’est plus à proprement parlé d’actualité. Après les films qui ont déjà rendu compte du mouvement – J’veux du soleil de François Ruffin et Gilles Perret ou Graine de rond-point de Jean-Paul Julliand pour ne citer que les plus en vue – Le film d’Emmanuel Gras pouvait-il apporter des éléments nouveaux sur le déroulent des événements ou un regard original sur le sens de la contestation. Mais ce n’est peut-être pas ce que le cinéaste recherchait. Projeté aujourd’hui, le film a un petit air de bilan (mais pas vraiment de synthèse) du mouvement vu à travers l’engagement de quelques-uns. La fin du film nous dit-il simplement que ce peuple a perdu, ou du moins qu’il n’a pas gagné grand-chose, que tout rentre en fin de compte dans l’ordre.

Le dernier plan, ce rond-point vide filmé en plongée verticale avec la ronde des véhicules tout autour, beaucoup plus que les larmes de souffrance et de dépit de la Gilet Jaune, est criant de désespérance.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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