Papouasie.

140 km à l’ouest du paradis. Céline Rouzet, 2022, 86 minutes.

La Papouasie Nouvelle-Guinée, nous la connaissons au cinéma par la trilogie Papoue des cinéastes australiens Robin Anderson et Bob Connolly (First Contact 1982, Joe Leahy’s Neighbours 1988, Black Harvest 1992). Mais que sont-ils devenus ces Papous des Hauts Plateaux, à l’époque du tourisme international et des visées des entreprises capitalistes, en l’occurrence américaines ?

Dès l’incipit du film, nous sommes plongés au cœur du problème. Nous assistons à une fête où les danses des autochtones en tenues traditionnelles se succèdent au rythme des tambours. Les gros plans sur leurs visages peints et sur leurs coiffures sont impressionnants. Mais nous ne sommes pas dans une recherche d’exotisme. Car si les danses sont filmées au plus près, très vite la caméra tombe – mais ce n’est pas par hasard – sur des blancs qui, appareil photo visé à l’œil, mitraillent ces visages sans se soucier le moins du monde d’être des intrus. Les quelques interviews de ces touristes que nous propose la cinéaste nous révèle le fin mot de l’histoire. Nous sommes dans un voyage organisé où les danses font partie du programme. Ces touristes, quelque peu imbus d’eux-mêmes sont fiers d’avoir découvert ces attractions inédites – un must dans leur carnet de voyage, même si leur authenticité est pour le moins problématique – et ils se promettent d’en faire la promotion auprès de leurs amis dès leur retour chez eux !

Mais la situation personnelle et collective des membres de ces tribus est autrement plus dramatique. Les firmes pétrolières, en particulier ExxonMobil, ont en effet débarqué attirées par d’importants gisements de gaz. Et elles ont acheté des terres aux familles attirées elles par la modernité. Sauf que ces familles n’ont pas touché le moindre dollar. Une partie du film nous montre les tentatives entreprises pour obtenir leur dû. Démarches vouées à l’échec, malgré les promesses renouvelées. La firme américaine est retranchée derrières de hautes barrières et ne reçoit même pas le courrier. Comme cet homme qui vient au portail quasiment chaque jour, nous restons à l’extérieur de ce véritable camp retranché. La caméra bien sûr est indésirable. Mais le choix de la cinéaste est de rester du côté des locaux. La parole d’ExxonMobil n’apparaîtra que lors d’une manifestation publique, où la langue de bois est triomphante.

A côté des plans sur les paysages impressionnants des montagnes, le film nous fait entrer dans le quotidien des ces tribus, insistant tout particulièrement sur le rôle des femmes. Mais cette intimité ne réduit pas le sentiment de révolte que suscite l’ensemble du film. Céline Rouzet filme un monde qui meurt. Les Danses traditionnelles ne sont plus que des attractions pour touristes fortunés et les firmes américaines ne recherchent que le profit. Dans de telles conditions, l’avenir de la Papouasie est bien sombre.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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