Cédric Condon. France, 2013, 52 minutes.
En France le viol n’a pas toujours été reconnu comme un crime. L’opinion la plus courante, le plus souvent partagée par la police et la justice, est que les femmes sont presque toujours consentantes. D’ailleurs ne cherchent-elles pas naturellement à séduire les hommes, leur tenue vestimentaire étant ouvertement de l’ordre de la tentation ? Ainsi les hommes d’agresseurs deviennent presque victimes. Peut-on briser leur vie pour de simples « bêtises ».

C’est pour combattre ces préjugés, que les mouvements féministes, l’avocate Gisèle Halimi en tête, vont se mobiliser à la fin des années 70, pour que la société ne ferme plus les yeux sur le problème du viol et faire que leurs auteurs soient poursuivis en cours d’Assises, comme pour tout crime, et non plus en correctionnelle comme pour de vulgaires affaires de coups et blessures. L’occasion de cette mobilisation fut une affaire dans laquelle deux jeunes filles belges sont violées dans les calanques près de Marseille en 1974 par trois hommes. Les victimes n’acceptent pas que leurs violeurs ne soient pas jugés en cours d’Assises. Le procès qui aura lieu à Aix-en-Provence en 1978 deviendra ainsi le symbole de la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits, dans le prolongement du procès de Bobigny de 1972 à propos de l’avortement.

Le film de Cédric Condon suit toutes les péripéties du procès à partir des images de l’époque. Mais il ne se limite pas à un regard journalistique. Le cinéaste a retrouvé les deux victimes et les entretiens qu’il mène avec elles jalonnent tout le film. Elles racontent les circonstances du viol, leur souffrance et leur humiliation devant les insinuations de la police, du médecin de l’hôpital et même de la juge d’instruction qui traite leur plainte. Elle explique comment tout est fait pour minimiser l’affaire, à partir d’insinuations sur leur moralité utilisant le fait qu’elles soient homosexuelles. Elles ne veulent surtout pas se taire, comme trop de femmes victimes le font. Entendant parler de Gisèle Halimi, elles font appel à elle. Leur procès est extrêmement médiatisé. Il se déroule dans une atmosphère tendue dans la salle où prennent place des « amis » des accusés et devant le palais où manifestent les féministes sous les injures et même les coups de groupes plus ou moins fascisants. Il deviendra le procès du viol.

En épilogue, le film retrace le processus législatif qui aboutira au vote en 1980 d’une nouvelle loi concernant le viol, remplaçant celle de 1932 qui était toujours restée en vigueur. Et il pose la question fondamentale : les mentalités ont-elles suffisamment changé pour que soit définitivement brisée la loi du silence ?