William et les fantômes. Jean-Marie Châtelier, 2021, 52 minutes.
Le parcours d’une vie. Un parcours surprenant, impensable, inimaginable, totalement inédit. Un parcours entre deux extrêmes. De skinhead à moine indouiste. Y a-t-il plus grand contraste ? Comment cela est-il possible ? Comment un individu peut-il faire un tel saut ? Deux mondes qui ne se sont jamais rencontrés. Qui ne peuvent pas se rencontrer. Entre lesquels il n’existe aucun passage, aucune passerelle. Deux mondes que tout oppose. Deux vies.

N’est pas une fable, une fabulation, une fiction pour roman de gare ou film de série B ? Que signifie donc cette vie pourtant bien réelle ?

William a d’abord, dès son adolescence, était skinhead. Ce qui veut dire qu’il a vécu dans la violence, pour la violence. Une violence extrême, gratuite. Frapper pour frapper, pour montrer sa force, frapper n’importe qui, les autres tout simplement, tous les autres. Frapper le premier pour ne pas être frappé. Mais ne pas avoir peur de recevoir des coups. Une vie de combats, entre gangs. Une vie où la loi du gang est la seule qui peut exister, que l’on ne peut que suivre aveuglément. Les skins contre les punks, ces minables, ces moins que rien. Les skins doivent être les plus forts. Comme ils sont de meilleurs musiciens. Comme ils se croient être de meilleurs musiciens.

L’autre vie, c’est celle de l’amour, de la foi. Une vie de méditation, de rencontre avec Dieu. Déçu par les sectes qu’il a fréquentées, William crée sa propre congrégation religieuse. Une vie collective donc. Pour distribuer de la nourriture dans la rue aux sans-abris par exemple. Si l’on ne voit que la seconde partie du film, il est totalement impossible d’imaginer par quoi elle a été précédée.

Dans le récit de la vie du skin William, il y a pourtant des ouvertures ; des remarques critiques sur la violence, sur la terreur qu’elle engendre. Un récit qui est fait après coup, alors que William en venu à se demander comment il a bien pu vivre cette vie-là.

Il y a cependant un point commun entre ces deux vies : la musique. Le rock plus précisément. Un rock qui bien sûr a évolué, mais sans renoncer aux guitares qui hurlent. N’est-ce pas au fond la musique qui a sauvé William ?

Tout au long de la première du film, le cinéaste est présent à l’image, dans une longue errance solitaire dans un bâtiment en ruine dans lequel il accompagne ensuite William. Ils regardent ensemble, projetées sur le mur, des animations dessinées des actes de violence de William. Lorsque celui-ci est devenu moine, le cinéaste disparaît, du moins il n’apparait plus à l’image. La foi se suffit à elle-même.

Ce film est d’abord une critique fondamentale de la violence. Il montre comment un jeune adolescent peut s’y perdre et comment la foi peut le sauver. Rien n’est banal dans ces deux vies. Le film joue sans cesse sur le contraste absolu, sur la confrontation des extrêmes, en passant du noir au jaune, de la nuit au soleil. Un parcours certes exemplaire, mais qui reste unique.
Festival Vrai de vrai de la Scam 2022.