Simone Veil et ses sœurs nées Jacob. David Teboul, 2022, 91 minutes.
Ce n’est pas un biopic de Simone Veil. Ce n’est pas non plus un documentaire sur son engagement politique et sa carrière ministérielle. Nous ne verrons pas ici le discours à l’Assemblée nationale pour défendre la loi sur l’IVG en 1974. Un discours qui sert trop souvent à résumer Simone Veil. Sa vie ne se réduit pas à ce seul discours, loin de là. Et c’est le grand mérite du film de David Teboul d’éviter les images trop connues, qui risquent bien d’être devenues des clichés. Et de nous présenter un point de vue original sur ce personnage devenu un symbole. Et ceci grâce à des archives inédites, la correspondance entre les trois sœurs Jacob, Madeleine dite Milou, Denise et Simone.

Un film de lettres donc, qui nous permet de rentrer dans l’intimité d’une famille, d’une fratrie. En fait, la fratrie n’est pas au complet dans ces lettres. Les trois sœurs avaient un frère, Jean. Mais le film se concentre sur les lettres des trois sœurs. Si elles parlent bien de leur frère, et aussi de leur père, ils restent hors-champ.

La première partie du film se déroule avant-guerre, à Nice. Une enfance qu’on peut dire heureuse. Nous suivons les premiers bouleversements de l’adolescence. Une correspondance sincère bien sûr, puisqu’elle n’est pas destinée à être publiée. Mais ne révèle pas pour autant de lourds secrets de famille. Tout semble elle bien ordonné chez les Jacob. Et leur vie semble se dérouler de façon simple et paisible. Du moins jusqu’à la guerre. Et même dans les quelques années qui ont précédé la guerre où l’antisémitisme se répand en France comme une trainée de poudre, sans épargner la côte d’Azur.

La guerre et la victoire des nazis va donc bouleverser cette famille juive, comme tant d’autres. La mère, qui a toujours joué un grand rôle dans la famille, ne reviendra pas des camps. Le père et le frère non plus, sans qu’on sache ce qu’ils sont devenus. Les trois sœurs, restées seules dans la déportation, essaient de survivre tant bien que mal. Elles resteront en contact par lettres interposées jusqu’à la fin de la guerre, la libération et le devoir de reprendre une vie normale. L’accident de voiture dont sera victime Milou sera un autre drame pour les deux sœurs restantes. Le film n’ira pas plus loin.

On imagine facilement le travail colossal qu’a dû fournir David Teboul pour rechercher toutes ces lettres et pour choisir celles qu’il porte à la connaissance du public du XXI° siècle. Le dispositif qu’il met en place est si simple qu’il semble aller de soi. Les lettres sont lues en voix off bien sûr. Les images, surtout des photos, évoquent les personnages, les lieux où ils ont vécu, de Nice à Auschwitz. Pas de pathos superflu en dehors de la mort de la mère. Le film ne cherche pas à expliquer ce que sera le destin public de Simone. Après tout, le véritable personnage central du film, c’est la fratrie. Même si le titre met Simone en avant et même si sa popularité actuelle ne peut pas être laissée de côté. Alors elle a droit à des entretiens, plus nombreux que ceux accordés par Denise. Mais ces interventions restent particulièrement sobres et réservées. Le film n’est pas fait pour dresser le « tombeau » de Simone.

L’utilisation d’une correspondance privée renouvelle-t-elle le film d’histoire ? Incontestablement elle lui donne une épaisseur humaine qui n’existerait pas, ou si peu, en dehors d’elle. Bien sûr, leur intérêt tient en grande partie à la qualité de leur écriture. Avec les sœurs Jacob, nous sommes en présence de véritables écrivaines.
Festival du film d’histoire, Pessac, 2022