PORTRAIT D’UNE ACTRICE

Deneuve, la Reine Catherine. Virginie Linhart, 2021, 105 minutes.

Comment faire un portrait documentaire – ou ne devrait-on pas plutôt parler de documentaire-portrait ? D’abord choisir le personnage dont on va faire le portrait. Choisir une personne connue, très connue même. Un personnage que nul n’ignore et qui donc suscitera l’intérêt et la curiosité de tous. Pour cela, rien de mieux qu’une star de cinéma. Une star fascinante et inaccessible. A qui on est prêt à pardonner toutes les erreurs et tous les écarts de comportement.

A l’évidence Catherine Deneuve est un bon choix. Une œuvre longue et variée derrière elle. Plus de 130 films, et ce n’est pas fini. Et puis, une personnalité complexe, qu’on dit froide et distante. Elle aurait su préserver son intimité. Au point que la mise en lumière du moindre petit fait pourra faire figure de révélation essentielle.

Ensuite, trouver des archives. Car serait-il possible de rester dans le présent, en se contentant de la parole actuelle de l’intéressée, au risque d’en rester à des souvenirs déjà connus, ou déformés par le temps qui passe. Le recours aux archives implique alors un autre choix., entre des archives personnelles, familiales souvent, ou des archives médiatiques, essentiellement télévisuelles. Dans le premier cas, le réalisateur est dépendant des propriétaires des archives. A la limite, un portrait composé ainsi des archives choisies par l’intéressé lui-même ne manquerait sans doute pas d’intérêt. Mais quel cinéaste pourrait alors prétendre qu’un tel autoportrait porte vraiment la trace de son propre travail.

Virginie Linhart a fait le choix d’utiliser essentiellement des archives médiatiques, et bien sûr elle n’avait que l’embarras du choix. Mais justement, c’est là qu’on peut appréhender la pertinence de son travail. Car si son film a un petit air d’autoportrait, il pourrait bien plus se définit comme l’approche de la trace laissée par une star dans les médias d’une époque , l’approche de l’image qui se construit d’elle, image à la construction de laquelle elle contribue pleinement et dont il est tout aussi fondamental de voir en quoi elle lui échappe.

Virginie linhart ne fait pas ce film pour dénoncer le caractère déformant du miroir médiatique. Elle choisit toujours des prestations de Deneuve qui ont toutes une dimension de sincérité. Et on peut dire que tout son travail– son commentaire en particulier – consiste à faire dire à Deneuve ce qu’elle veut effectivement dire. Autrement dit, il n’y a rien dans le film que Deneuve pourrait renier, ou contester. Le film de Virginie Linhart, réussit ainsi la gageure, à priori irréalisable, de transformer un montage d’archives en vérité du personnage, à révéler en quelque sorte Deneuve à elle-même. Sans rien ajouter qui ne ferait pas partie d’elle. Sans rien laisser de côté de ce qu’elle est devenue à partir de ce qu’elle a été.

Un art du portrait tout à fait stupéfiant dont on aimerait qu’il s’applique aussi à d’autres monstres sacrés du cinéma.

Festival du film d’histoire, Pessac

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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