Godard, seul le cinéma. Cyril Leuthy,2022, 90 minutes.
Peut-on mettre Godard en film ? Dans un film ? Tout Godard ?
Toute sa vie – longue. Toute son œuvre – Foisonnante. Tous ses engagements, ses prises de positions. Tous ses changements de direction. Tous ses doutes. Toutes ses périodes fastes, créatives excessivement. Et ses creux, ses presque vides, qui n’attendent plus que de rebondir.
Bref, faire un film godardien. Non pas faire du Godard. Mais faire un film que Godard aurait pu faire. Ou pas du tout. Un film que Godard ne pouvait pas faire, qu’il n’aurait certainement pas pu faire. Et qu’il n’aurait certainement pas aimé faire. Un film Godardien ? Si c’est cela que Cyril Leuthy a voulu faire, il faut le dire immédiatement, un tel projet est irrémédiablement voué à l’échec. A moins que…

A moins de trouver une autre voie, une autre formule. Et surtout d’échapper à la naïveté. Son film ne sera pas tout en un. Quoiqu’il soit bien tentant de viser la presque exhaustivité.
La solution de Leuthy a été de faire un film « classique ». Un film qui reprend tous les codes de la biographie filmique. Qui part de l’enfance et qui essaie d’aller jusqu’au bout. Avec comme étape, suivies chronologiquement, les films, abordés un à un, dans l’ordre, avec des extraits qui se veulent significatifs.

Classique disons-nous, ce qui implique de :
- Mentionner (au moins) les faits marquant de sa vie. Par exemple la rupture avec la famille, les rencontres féminines, les actions politiques, l’accident – grave – les isolements (Grenoble et la Suisse)… Et out ceci avec des images, archives si possibles inédites ou du moins rares. Première étape réussie !
- Donner la parole à ceux qui l’on connu pour avoir travailler avec lui. Donc des entretien à postériori. Ici, essentiellement des actrices. De Macha Méril à Marina Vlady… Deuxième étape moins réussie. Certes les actrices en question sont assez passionnantes. Mais on aurait aussi aimé écoutes quelques hommes (autre que Romain Goupil).
- Choisir des extraits de films. Sur ce point, chaque spectateur trouvera des manques ou des choix contestables Mais soyons honnête, le parcours proposé est cohérent et fort pertinent. C’est peut-être l’aspect le plus réussi du film.
- Faire appel à des experts, spécialistes reconnus du cinéaste pour avoir écrit et publié sur lui. Alain Bergala et Antoine de Baecque en tout premier lieu. Et c’est là que la dimension « classique » du film atteint son sommet Grâce à eux, nous comprendrons tout ce qu’il faut comprendre de Godard . Fini le mystère.
- Enfin, tout lier tout cela, pour essayer de combler les vides, un commentaire surajouté. Il est toujours tentant de commenter les images. Mais ce commentaire reste malgré tout relativement sobre, mais frôle quand même par moment, le point où il devient envahissant.

Au final, Godard, seul le cinéma est un film qui remplit presque son contrat de départ. Il s’arrête quelque temps avant la disparition de Godard que tout le monde a en tête. Laissant de côté une période qui reste particulièrement créative. Ou d’autres. Si la prise en compte de la période maoïste et du travail avec Gorin et du Groupe Dziga Vertov est appréciable, on aurait bien aimé aussi que soit évoqués les groupes Medvedkine et les rencontres avec Chis Marker. Le film ne peut donc prétendre à clore le chapitre Godard et le cinéma. Tant mieux. Il reste de la place pour bien d’autres bobines.

Godard, seul le cinéma nous donne quand même plus qu’un aperçu, une mine d’éléments indispensables à l’édification du monument que Godard mérite.