Si tu es un homme. Simon Panay, 2022, 84 minutes.
Un trou, noir, immense. Une bouche, ou plutôt une gueule, grande ouverte, sombre, profonde, si profonde qu’on n’en voit pas le fond. Une béance prête à avaler les enfants.
Ce trou, c’est une mine. Une mine d’or. Une mine qui contient tant de promesses de richesse. Mais contient-elle autre chose que des promesses.

Cette mine est située en Afrique, au Burkina Faso. Un trou qui passerait presque inaperçu dans le paysage désertique que nous révèle une vue aérienne. Un paysage que parcourt tout au long du film un enfant, Opio, qui va être mis en demeure de ne plus être un enfant.

Le film de Simon Panay réunit toutes les problématiques que l’on ne peut négliger quand l’on veut traiter de l’enfance dans le contexte d’un pays africain, en l’occurrence d’un pays particulièrement pauvre comme le Burkina Faso. D’abord le travail (la nécessité de trouver un travail pour aider à nourrir sa famille). Ensuite la scolarité – ou plutôt la scolarisation (la nécessité d’aller à l’école, de suivre une formation, pour pouvoir plus tard trouver un vrai travail) Enfin, l’éducation, au sens de devenir un homme, acquérir une autonomie qui permettra de choisir le plus possible sa propre vie, en n’échappant pas vraiment aux contraintes de la société, mais du moins en gagnant son indépendance vis-à-vis de ses parents.

Le travail, pour Opio, c’est la mine. Au début du film, il est trop jeune pour descendre au fond. Et il ne pourra le faire qu’en surmontant sa peur du trou noir. Il le fera pourtant, poussé par la nécessité de gagner suffisamment d’argent pour pouvoir payer les frais de scolarité dans l’école où il pourra acquérir une formation de soudeur.

L’école donc est chère. En dehors de l’inscription il faut aussi payer l’équipement. Un obstacle matériel à quoi s’ajoute le fait qu’Opio, qui dit avoir suivi une première scolarité jusqu’au CM, ne sait pas lire. L’école est alors une épreuve encore plus difficile – même si elle paraît moins terrifiante – que la descente au fond de la mine.

Les parents enfin, semblent tenir le même discours, en encourageant Opio à aller à l’école. La mère voudrait éloigner son fils des dangers de la mine. Le père fait les démarches auprès de la direction de l’école. Mais il dit ne pas gagner d’argent. Payer les frais, cela revient à Opio. Donc il lui faudra travailler à la mine.

De la mine à l’école, et de l’école à la mine, se trace ainsi une dialectique du malheur auquel Opio ne pourra échapper. Le film ne pouvait alors faire moins que de descendre dans la mine avec lui, une descente longue, pénible, incertaine quant à la possibilité de gain qu’elle promet au mineur en herbe. Mais le film en retire des images véritablement inédites. Des images angoissantes, tant l’espace filmé est clos et n’offre aucune issue. Remonter à la surface, avec un chargement de pierre qui ne contient peut-être pas une seule pépite d’or, est une épreuve encore plus éprouvante. L’image du trou, vu depuis la surface, et dans lequel apparait la tête d’Opio, comme s’il s’agissait d’une naissance, peut à elle seule symboliser toute la misère de l’enfance en Afrique.