Taming the garden. Salomé Jashi, Suisse, Allemagne, Géorgie, Pays-Bas, 2021, 92 minutes.
Il collectionne les arbres. Mais pas ces maigres arbustes qu’on trouve chez les pépiniéristes. Pas des arbres en devenir. De vrais arbres, de grands arbres, ceux qui dépassent les maisons, ceux qui accumulent les ans, qui sont au moins centenaires. Ces arbres qu’on a toujours vus dans la cour et dont l’ombre généreuse est indispensable en été pour trouver un peu de fraicheur et venir commérer sur la vie du village. Des arbres qui sont plus qu’un décor, qui sont le paysage. Sans eux la vie n’est plus la même.

Et pourtant on finit par accepter de s’en séparer. Faut dire qu’il paie un bon prix. On n’aurait jamais imaginé ça. Pas des centaines de mille, mais quand même. Il met le prix qu’il faut. Lui, cet homme anonyme, qui restera inconnu tout au long du film. Un collectionneur, un passionné, immensément riche. Un fou.

Le film de Salomé Jashi va suivre pas à pas les différentes étapes de la mise en œuvre de cette passion. Depuis l’achat de l’arbre ( une négociation sans hésitation devant le prix proposé) jusqu’au replantage en passant par le déracinage et le transport (le plus spectaculaire). Le tout sans commentaire, presque sans paroles, en dehors des propos tristes (et de quelques larmes des femmes) de la population du village venue assister, impuissante, au départ de leur arbre. Un arbre qui certainement leur manquera pour le reste de leur existence.

La cinéaste n’explique donc pas comment on peut déraciner de tels arbres et comment ils peuvent survivre après une telle opération. Les images sont donc souvent assez mystérieuses, des hommes qui travaillent, qui piochent, qui coupent, qui manient la tronçonneuse. Des engins de toute sorte sont mobilisés, jusqu’au bateau pour le transport sur la mer, ce sui nous vaut des images magnifiques, un arbre qui s’éloigne de la rive sur une mer si calme, d’un bleu limpide. Une invitation au rêve.

La séquence finale, sans un mot, nous plonge dans cette forêt reconstituée avec les arbres achetés – artificielle donc. Des arbres maintenus par des filins d’acier. Des arbres baignés dans la vapeur de l’arrosage intensif. Qui peut venir les contempler ?
