Malentzin 17. Eugenio Polgovsky et Mara Polgovsky, Mexique, 2022, 64 minutes.
Peut-on faire un film sur un oiseau (une colombe) qui couve ? Pourquoi pas ! Surtout si cet animal à la posture étrange – il ne bouge pas, c’est peut-être un robot – est observé par une petite fille de 5 ans que le père, le cinéaste, en bon éducateur qu’il est, incite à réfléchir et à commenter ce qu’elle voit, ce qu’elle comprend de la situation et ce qu’elle imagine à partir d’elle.

Le contexte du film est des plus simples. Le nid où couve l’oiseau est situé sur un amas de câbles électriques en contrebas des fenêtres de l’appartement des Polgovsky. Le père filme donc le nid et l’oiseau en plongée depuis une des fenêtres, et sa fille, Milena, 5 ans, de profil, puisque son lieu d’observation, la seconde fenêtre, se situe au même niveau que lui, au-dessus du nid. Cette position surplombante permet en outre (mais cela prendra de plus en plus d’importance dans le film) de filmer la rue et ce qui s’y passe, façon de donner un peu plus d’animation au film. Nous regardons quand même parfois le ciel, lorsque deux hélicoptères le traversent et surtout, dans ce qui annonce la fin du film, ces escadres d’avions qui nous font penser que nous sommes peut-être un jour de fête nationale.

La rue Malentzin est une rue calme, située dans un quartier plutôt résidentiel. Il y a ceux qui travaillent (les éboueurs et les balayeurs de rue), et ceux qui ne travaillent pas (qui promènent leur chien) ; il y a les mamans qui accompagnent leur enfant à l’école, et d’autres enfants qui doivent en revenir ; il y a des automobiles, beaucoup, qui se garent ou qui démarrent et même une qui est en panne. Et comme nous sommes en Amérique centrale, il y a tous ces petits vendeurs de rue qui proposent à la criée des beignets ou autres pâtisseries, mais aussi du gaz, du fer ou des journaux usagés. La caméra capte tout cela sans effet particulier, sauf lorsqu’elle zoom le soir sur un couple qui s’embrasse, ce qui révèle son petit côté voyeur.

Les rapports de l’enfant et du cinéaste sont tout aussi simples. Le père est attentif à ne pas trop perturbé dans son travail de filmage. La fille a un peu l’air de s’ennuyer même si regarder l’oiseau stimule un temps sa curiosité. On rentre une ou deux fois dans l’appartement où elle trouve à s’occuper en fouillant dans les tiroirs d’un meuble. Son quotidien se déroule sans accroc. Ce qui donne au film ce ton de banalité qui n’est pas sans charme.

Malentzin 17 est un film posthume, Eugenio Polgovsky étant décédé prématurément à l’âge de 40 ans. C’est sa sœur, Mara, qui a repris les rushes d’Eugenio et fait le montage. Il aurait été vraiment dommage que ces séquences restent inédites. Le film a une parfaite cohérence. Il fait entièrement partie de l’œuvre, hélas inachevée, d’Eugenio Polgovsky.