Une image un film. Fugitif où cours-tu ?

Fugitif, où cours-tu ? Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, 2018, 70 minutes.

Une image (un photogramme) qui contient en elle tout un film, qui fait plus que le résumer ou le synthétiser. Une image qui porte en elle tout le sens d’un film, son projet, ses enjeux. Une image dont se dégagent toutes les émotions contenues dans le film, qui porte en elle tous les affects accumulés tout au long du film. Une image qui est elle-même affect, et rien d’autre.

Un homme court sur une plage de sable, face à la mer. Il est filmé de loin, et de dos. On ne voit donc pas son visage. De fait il est réduit à une silhouette. Une silhouette en mouvement. On devine qu’il est vêtu d’une sorte de parka, ou d’un vêtement de pluie, avec une capuche. Sur cette image, c’est la mer qui occupe l’essentiel de ce que nous voyons. D’ailleurs, le ciel et l’eau de la mer se confondent, la barre des vagues n’étant pas vraiment une délimitation entre les deux. Cette silhouette qui court a pourtant une réelle consistance, et ne peut être confondu avec un fantôme. C’est qu’elle se reflète dans l’eau de la mer. Du coup, c’est dans l’eau que l’homme court. Ou plutôt il court sur l’eau. Littéralement.

Cette course n’est ni d’agrément ni de santé et surtout pas sportive. Pourquoi cet homme court-il ? Courir c’est d’abord partir. Puisqu’il est parti – de chez lui, de son pays, de son continent…- que peut-il faire d’autre que courir. Une course qui tourne en rond ; qui se replie sur elle-même. Cet homme n’a-t-il pas toujours couru ?

Une course face à la mer, qui nous dit que cette mer il faut la traverser, qu’elle ne peut pas être un obstacle infranchissable, qu’elle n’est pas une frontière fermée.

La course d’un fugitif, de quelqu’un qui a fui, qui continue de fuir, qui fuit jusqu’au bout du monde.

Fuir, s’échapper, s’évader, franchir les obstacles, les limites, les frontières.