Tchoupitoulas. Bill & Turner Ross, Etats Unis, 2012, 82 minutes
Trois frères, une ville la nuit. La ville, c’est La Nouvelle Orléans, limitée ici en grande partie à son quartier français. Un quartier plein de vie, mais qui semble ne vivre que la nuit. Une ville dont les activités sont essentiellement des activités nocturnes. Les trois frères, issus de la communauté noire, partent à l’assaut de ce quartier qui, de chez eux, ne leur est accessible qu’en ferry, et qui représente pour eux l’aventure, le dépaysement, l’attrait de l’interdit, ce que l’on n’a jamais fait et qu’on risque fort de ne pas refaire de sitôt. Un film de découverte donc, où chaque instant se doit d’être un émerveillement.

La nuit de La Nouvelle Orléans n’est pas noire. Mais elle n’est pas lumineuse non plus. Elle regorge pourtant de lumières, toutes sortes de lumières, des néons surtout, mais aussi des lampes et même des feux de camp. Du coup, la couleur de la nuit est vraiment particulière. Les images rappellent les vieux clichés sépia. Des images dans lesquelles les teeshirts blancs des deux frères ainés sont les deux seules touches qui échappent à la nuit. Mais cette nuit est aussi sonore. Elle vit par le son, la musque surtout, omniprésente dans les rues, les bars, les clubs. Mais aussi toute sorte de bruits qui peuplent littéralement la nuit. Une richesse sonore qui complète parfaitement les images.

Les trois frères, nous faisons leur connaissance dans la première séquence du film, dans leur famille. Le plus jeune, William 8 ans, se dispute avec un de ses ainés à propos d’un teeshirt. Pourtant, dès qu’ils partent pour leur escapade, leur querelle est bien vite oubliée. Les deux ainés marchent souvent de front, tenant leur chien en laisse, devant William qui les suit comme la caméra suit le trio vu le plus souvent de dos. C’est William que nous entendons le plus souvent. Il n’arrête pas de parler, pour lui-même, ou pour la caméra. Il pose sans cesse des questions à son frère, sur tout ce qu’il voit, sur tout ce qui lui passe par la tête. Une véritable machine à paroles. Sans aucune continuité apparente, en dehors du seul plaisir de parler.

Le film est construit comme un film d’aventure, avec ses rebondissements, ses surprises, ses rencontres. Des musiciens, des femmes aussi, des danseuses, des chanteuses, des musiciennes. Les trois garçons sont aux anges. Cette nuit ne devrait pas finir. Et en effet, elle ne finira pas. Lorsqu’il est une heure raisonnable pour rentrer à la maison, les trois frères regagnent le port, mais c’est pour voir le ferry partir sous leurs yeux. Malgré leur course folle, ils n’arriveront pas à temps pour embarquer. Ils devront attendre le lendemain. La nuit s’étire alors en longueur. Le rythme des découvertes faiblit, ou prend une autre tournure. Comme cette séquence, presque fellinienne, où ils passent devant un bateau abandonné, un vieux bateau, de ceux qui remontaient le fleuve. Ils hésitent. Ce sont quand même des enfants et l’inconnu leur fait encore peur. Mais la tentation est trop forte. Ils montent par l’échelle, s’engagent à pas de loup dans les coursives vides, débouchent sur les salles de danse. Les fastes d’antan revivent dans leurs yeux…