Infirmière scolaire.

Ecchymoses. Fleur Albert, 2008, 100 minutes.

Une douleur au genou, un mal de tête ou de ventre, surtout pour les filles, et c’est l’occasion de se rendre à l’infirmerie du collège, pour prendre un cachet, pour éviter peut-être le contrôle d’allemand ou être dispensé d’EPS…Oui, sans doute, mais surtout, pour la majorité de ce collège rural du Jura, l’occasion de rencontrer l’infirmière, d’échanger quelques propos avec elle, et lorsque le vécu adolescent devient trop douloureux (pour bien des raisons), la certitude de trouver auprès d’elle une écoute, attentive, patiente, chaleureuse, compréhensive. L’infirmière, c’est ici la possibilité pour ces cas de vécu en souffrance de ne pas rester seul avec sa douleur ; d’avoir une première aide, pour éviter le pire et envisager une solution à plu long terme, bien difficile dans bien des cas de trouver dans le seul cadre de la famille.

Le film de Fleur Albert est le portrait d’Annick, infirmière scolaire, mi-Sœur Térésa mi-Calamity Jane, drôlement accoutrée avec ses tenues d’un autre âge et sa coiffure des plus surprenantes ! Pour beaucoup de spectateurs, même ceux qui connaissent le système éducatif, ce sera l’occasion de découvrir la réalité, et l’importance d’un métier dont l’institution ne semble pas toujours reconnaître la nécessité, au point de contraindre une partie du personnel  – c’est le cas d’Annick – de partager son temps de travail entre deux établissements, ce qui à l’évidence ne peut que réduire son efficacité, sans parler des contraintes personnelles.

Mais surtout, le film nous permet d’appréhender le vécu de des adolescents et adolescentes, souvent mal dans leur peau, et qui ont du mal à dépasser les difficultés propres à cet âge de la vie devenu un enjeu fondamental de notre société et de notre système éducatif. Car si dans ce collège, comme tous les collèges, la majorité des adolescents ne vivent pas vraiment une crise remettant en cause leur identité, certains vivent une situation extrêmement difficile, au point de remettre en cause leur possibilité même de survie. Boulimie, anorexie, sclérification… les situations désespérées existent, et notre infirmière doit nécessairement y faire face, se transformant en psychologue ou même en psychiatre. La première aide qu’elle va apporter, à l’élève d’abord, mais aussi à sa famille, qu’elle conseille pour prendre les décisions qui s’imposent, est tout à fait irremplaçable. Certes, son intervention ne se substitue pas entièrement à celle du corps médical. Mais, sans elle, on n’ose imaginer qu’elle serait l’issue de la souffrance de ces jeunes. Ni ce que serait le climat de l’établissement. Car ce que nous montre clairement ce film, c’est que l’infirmerie scolaire est au centre de la vie du collège. Que son rôle est d’abord, et surtout, éducatif. Et que la réussite scolaire de beaucoup d’élèves dépend aussi d’elle, de la place qu’elle occupe dans l’établissement et dans l’équipe éducative.

Annick, dans son collège, est partout à la fois. Pas seulement dans son infirmerie. Et les petits papiers qu’elle colle sur sa porte pour indiquer où la trouver, montrent bien qu’elle est toujours disponible. L’hommage que lui rend le film est largement mérité. Mais au-delà de ses qualités personnelles, c’est l’importance de son métier et surtout de sa fonction, du rôle qu’elle joue auprès des élèves, qui nous est montré en toute simplicité. De façon particulièrement authentique. Car la réalisatrice sait parfaitement éviter de transformer Annick en héros de cinéma. Cela n’est d’ailleurs possible que parce que, à l’évidence, les deux femmes, l’infirmière et la réalisatrice, ont la même conviction : l’idée d’éducation ne peut trouver son sens que dans le contact direct, fait de confiance réciproque, entre les adultes et les jeunes dont ils ont la charge.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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